Actualité droit social

Forfait jours : en cas de modification de l’accord collectif, faut-il soumettre au salarié une nouvelle convention ?

Dans cette affaire, le salarié avait signé une convention individuelle de forfait en jours le 20 mars 2013. Or, l’accord collectif sur la base duquel la convention avait été signé a été modifié par avenant du 19 avril 2013. La convention individuelle était-elle valable ?

La Cour de cassation énonce qu’à défaut de soumettre au salarié une nouvelle convention de forfait en jours postérieurement à la date de l’entrée en vigueur de l’avenant à un accord collectif, la convention de forfait en jours du salarié, fondée sur les dispositions conventionnelles antérieures à cet avenant, est nulle.

Il faut donc bien faire signer dans ce cas au salarié une nouvelle convention si l’employeur veut éviter une demande de rappel d’heures supplémentaires.

Cass. soc., 6 mai 2025, n° 23-21.832


Départ volontaire sans licenciement : pas de CSP !

Dans cette affaire, le plan de départs volontaires prévoyait la possibilité pour les salariés occupant des postes relevant de « groupes sensibles », de postuler à un départ volontaire et de bénéficier, en cas de validation de leur candidature, de diverses mesures d’accompagnement au reclassement externe.

Des salariés s’étant porté candidats avaient alors signé une convention de rupture d’un commun accord du contrat de travail.

Pôle Emploi considérant que la société aurait dû proposer à ces salariés des CSP (Contrat de Sécurisation Professionnelle), il lui a adressé des appels à contributions spécifiques à ce titre.

La Cour de cassation juge cependant le CSP n’est pas applicable à la rupture du contrat de travail qui résulte de la conclusion d’un accord de rupture amiable intervenu en application d’un PSE par départs volontaires qui n’envisage aucun licenciement.

Cass. soc., 21 mai 2025, n° 22-11.901


Report de l’entretien préalable par l’employeur en raison de l’état de santé du salarié : quel délai appliquer ?

La règle : l’employeur qui envisage de licencier un salarié doit le convoquer, avant toute décision, à un entretien préalable. La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. L’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation (C. trav., art. L. 1232-2).

On savait que lorsque la demande de report de l’entretien intervient à la demande du salarié, on savait que le délai de 5 jours ne recommençait pas à courir (Cass. soc. 24 nov.2010 n° 09-66.616).

La Cour de cassation vient de préciser que lorsque le salarié, en arrêt de travail le jour prévu de l’entretien, est à nouveau convoqué par l’employeur, ce dernier n’a pas à respecter le délai de 5 jours. Il suffit d’« aviser en temps utile » le salarié du nouveau créneau, afin que celui-ci puisse organiser son assistance s’il le souhaite.

Cass. soc., 21 mai 2025, n°23-18.003


Télétravail : élargissement de l’octroi d’une indemnité d’occupation du domicile ?

Jusqu’ici, le salarié avait droit à une telle indemnité d’occupation dans les cas suivants :

  • Si le télétravail est effectué à la demande de l’employeur (Cass. soc. 14-9-2016 no 14-21.893),
  • Si un local professionnel n’est pas mis effectivement à sa disposition (Cass. soc., 12 décembre 2012, n°11-20.502),
  • Si le télétravail a été prescrit par le médecin du travail, et ce même si un local est effectivement mis à sa disposition par l’employeur (CA Paris 21-12-2023 n° 20/05912).

Dans un arrêt du 19 mars 2025, la Cour de cassation adopte une formulation beaucoup plus large : le salarié serait en droit de prétendre à une telle indemnité « si un local professionnel n’est pas mis effectivement à sa disposition ou qu’il a été convenu que le travail s’effectue sous la forme du télétravail. »

A en croire la seconde partie de cette phrase, l’indemnité d’occupation serait due dans tous les cas puisque, sauf en cas de circonstances exceptionnelles (menace d’épidémie, force majeure…), le télétravail revêt un caractère volontaire pour le salarié et l’employeur, et ne peut qu’avoir été convenu entre eux.

Sans en en tirer pour le moment de conclusions définitives, il convient donc de surveiller la jurisprudence de la Cour de cassation pour voir si cette tendance se confirme.

Cass. soc., 19 mars 2025, n°22-17.315


Licenciement pour inaptitude : quand lever la clause de non-concurrence ?

Dans cette affaire, la lettre de licenciement pour inaptitude avait été notifiée le 27 septembre 2018, la levée de la clause de non-concurrence étant intervenue lors de la délivrance du certificat de travail, le 8 octobre 2018

En cas de rupture du contrat de travail avec dispense ou impossibilité d’exécution d’un préavis par le salarié, la date à partir de laquelle celui-ci est tenu de respecter l’obligation de non-concurrence est celle du départ effectif de l’entreprise.

Or, en cas de licenciement pour inaptitude consécutive à une maladie ou à un accident non professionnel, le préavis n’est pas exécuté et le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement.

Il en résulte que la clause de non-concurrence doit impérativement être levée à la date du départ effectif du salarié de l’entreprise, c’est-à-dire lors de la notification du licenciement. A défaut, la clause prend effet et l’employeur est tenu de verser la contrepartie financière.

Cass. soc., 29 avril 2025, n°23-22.191


Licenciement économique : si le salarié refuse l’écrit motivant le licenciement puis accepte le CSP, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse !

En matière de Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP), si le salarié n’est pas informé du motif économique de licenciement avant son acceptation du CSP, le licenciement est alors sans cause réelle et sérieuse.

Dans cette affaire, lors de l’entretien préalable, le salarié avait refusé de se faire remettre en mains propres le document de notification du motif économique de la rupture du contrat de travail, puis avait rapidement accepté le CSP, ce qui n’a pas laissé à l’employeur le temps de lui adresser par courrier RAR.

La Cour de cassation a considéré que l’employeur n’avait pas satisfait à son obligation de notifier ce motif avant toute acceptation du CSP et a donc considéré que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

Pour éviter une telle situation, il est préférable d’exposer le motif économique dès le courrier de convocation du salarié à l’entretien préalable.

Cass. soc. 6 mai 2025 n° 23-12.998


Le coemploi : quand la société mère devient responsable…

Imaginez : vous travaillez au sein d’une filiale, mais au fil du temps, ce n’est plus seulement votre société qui décide de votre quotidien : la société mère s’immisce dans les choix stratégiques, la gestion du personnel, jusqu’à parfois dicter la moindre décision…

Et si, dans ce contexte, elle devenait aussi responsable de vos droits de salarié ? 🤔

Bienvenue dans la réalité du coemploi, un concept juridique parfois méconnu, mais ô combien protecteur pour les salariés des groupes !

La jurisprudence exige que la société mère intervienne de façon permanente et anormale dans la gestion économique et sociale de la filiale, la privant ainsi de toute autonomie. Cass. soc., 23 nov. 2022, n° 20-23.206

👀Attention, il s’agit d’une situation exceptionnelle, quand la filiale a réellement perdu toute autonomie. La simple influence ou la politique de groupe ne suffisent pas !

La notion de coemploi permet aux salariés de :

📍Rendre la société mère solidairement responsable des indemnités dues par la filiale à ses salariés. Utile en cas de difficultés économiques de la filiale

📍Apprécier la validité du plan de sauvegarde de l’emploi au niveau de la société mère

📍Etendre l’obligation de reclassement au niveau de la société mère.

📍En cas de litige international, de déterminer la compétence du tribunal français et l’application de la loi française.


Etat psychique altéré : les faits reprochés au salarié ne lui sont pas imputables.

Il était reproché au salarié d’avoir adressé à une collègue des messages menaçants et insultants, de manière répétée, le 28 février 2019.

Il a été mis à pied à titre conservatoire le 1er mars 2019 et convoqué à un entretien préalable au licenciement, fixé au 15 mars, puis reporté au 25 mars 2019.

Le 17 mars 2019, il a été hospitalisé à la suite d’une décompensation psychotique.

Il a ensuite été licencié pour faute grave le 29 mars 2019.

La Cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, a invalidé le licenciement au motif que le salarié se trouvait, au moment des faits reprochés, dans un état psychique fortement altéré pouvant obérer ses facultés de discernement quant au caractère répréhensible de son comportement.

Cass. Soc., 5 mars 2025, 23-50.022


Démission présumée : en cas de salarié protégé, l’autorisation de l’inspection du travail est requise.

Dans cette affaire, après deux demandes d’autorisation de licencier refusées par l’inspection du travail, un salarié protégé ne réintègre pas son poste.

L’employeur emprunte alors la procédure de démission présumée de l’article L 1237-1-1 du Code du travail et met le salarié en demeure de justifier son absence ou de reprendre le travail, et lui indique qu’à défaut de justification légitime, il pourrait être considéré comme démissionnaire.

Le salarié répond qu’il ne souhaite pas démissionner mais ne réintègre pas son poste. L’employeur lui notifie alors qu’il est réputé démissionnaire depuis le terme du délai de 15 jours qui lui était imparti.

Même si la Cour d’appel écarte les motifs avancés par le salarié pour justifier son absence, elle considère cependant que la 𝗿𝘂𝗽𝘁𝘂𝗿𝗲 du contrat de travail est 𝗻𝘂𝗹𝗹𝗲 car, l’employeur étant à 𝗹’𝗶𝗻𝗶𝘁𝗶𝗮𝘁𝗶𝘃𝗲 de la rupture, il aurait dû 𝘀𝗼𝗹𝗹𝗶𝗰𝗶𝘁𝗲𝗿 𝗹’𝗮𝘂𝘁𝗼𝗿𝗶𝘀𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 de l’inspection du travail.

CA Paris 6-3-2025 no 24/02319


Un salarié peut-il être joint sur son téléphone personnel pendant ses heures de repos ?

Dans cette affaire, était en cause l’annulation d’avertissements reprochant au salarié de s’être présenté à l’entreprise au retour de jours de repos sans avoir sollicité, la veille de son retour, des informations sur l’organisation du travail, ni répondu aux textos et appels de l’employeur à cet effet.

La Cour d’appel avait validé ces avertissements, mais la Cour de cassation casse cet arrêt en énonçant que le fait de n’avoir pu être joint en dehors des horaires de travail sur son téléphone portable personnel est dépourvu de caractère fautif et ne permet donc pas de justifier une sanction disciplinaire.

Ainsi, au titre du droit à la déconnexion, il ne peut être reproché au salarié de joindre l’employeur ou d’être joint par ce dernier sur son téléphone pendant ses heures de repos, même s’il s’agit de l’organisation de la journée de travail du lendemain.

Cass. soc., 9 oct. 2024, n° 23-19.063