En principe, l’employeur ne peut invoquer aucun élément d’ordre privé à l’appui d’une mesure professionnelle.
Dans cette affaire, le salarié, occupant le poste d’auditeur interne, avait accès à de nombreuses informations confidentielles de la société.
Celui-ci avait été licencié pour avoir dissimulé sa situation matrimoniale avec son épouse, ex-salariée en litige avec l’entreprise, ce qui créait selon l’employeur un risque de conflit d’intérêts et un manquement à l’obligation de loyauté. Le salarié demandait la nullité du licenciement pour atteinte à son droit au respect de sa vie privée.
Pour la cour d’appel, l’étude des faits révélait une véritable volonté de dissimulation de son lien matrimonial et donc un risque avéré de conflit d’intérêts. Cette considération prévalait sur le droit à la vie privée invoqué par le salarié.
CA Versailles 30 mai 2024, no 22/00879
En matière disciplinaire, le délai de prescription des faits fautifs est de 2 mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance (C. trav, art. L. 1332-4).
Dans certains cas, les faits fautifs ou leur ampleur exacte sont révélés par une enquête interne, et la date de leur connaissance par l’employeur, point de départ du délai d’engagement des poursuites disciplinaires, a pu être fixée à la date de remise du rapport d’enquête (Cass. soc. 23-3-2011 n° 09-43.507).
Dans cette affaire cependant, l’employeur avait saisi le comité antifraude le 13 octobre 2017. Le salarié avait ensuite, dans un courriel du 30 octobre 2017 adressé à son supérieur, décrit de manière circonstanciée le montage frauduleux qu’il avait mis en place. Le rapport d’enquête interne avait ensuite été finalisé le 29 novembre suivant. L’employeur avait alors engagé le 3 janvier suivant une procédure de licenciement pour faute grave.
La Cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, a considéré que l’employeur avait dès le 30 octobre 2017, date de l’e-mail du salarié, une connaissance certaine des faits en cause et que ceux-ci étaient donc prescrits lors de l’engagement de la procédure disciplinaire le 3 janvier suivant.
Cass. soc. 29 mai 2024 n° 22-18.887
Dans cette affaire, une salariée avait interpellé le directeur, son supérieur hiérarchique direct, au sujet des différends qui l’opposaient à une collègue du même niveau hiérarchique qu’elle. Celui-ci a alors pris position. Lorsque la salariée a ensuite demandé des éclaircissements sur son positionnement dans la nouvelle organisation avec une nouvelle direction, elle a obtenu 3 jours plus tard une réponse du président de la société.
La Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’avoir considéré que l’employeur avait pris les mesures suffisantes de nature à préserver la santé et la sécurité de la salariée, et a pu en déduire, malgré l’absence d’enquête interne, que celui-ci n’avait pas manqué à son obligation de sécurité.
Cass. soc. 12 juin 2024 no 23-13.975
Deux arrêts du 26 juin 2024 ont rappelé les règles applicables en cas de départ du salarié en cours d’année :
– Si le contrat de travail stipule une condition de présence à la date prévue de versement du bonus, alors le salarié n’a pas droit à ce versement s’il est absent à la date stipulée,
– Si le contrat de travail ne stipule aucune condition de présence à la date prévue de versement, alors le salarié a droit à sa rémunération variable au prorata de sa présence.
Cass. soc, 26
juin 2024, n° 23-12475 et n° 23-10.634
En cas de dossier incomplet, l’administration peut considérer que la rupture conventionnelle est irrecevable. Les parties ne peuvent pas alors se prévaloir du délai d’homologation tacite.
Dans cette affaire, l’administration avait considéré la RC irrecevable au regard du montant des salaires mentionnés dans le formulaire de rupture.
L’employeur n’avait alors pas recommencé la procédure après cette décision mais avait donné des explications à l’administration sans modifier les montants des salaires indiqués initialement. Les juges successifs ont considéré que la rupture conventionnelle était régulière.
La solution aurait toutefois été différente si les montants avaient été modifiés à la suite des demandes de l’administration. Il aurait alors fallu recommencer la procédure, car la source du consentement du salarié aurait été modifiée.
Cass. soc., 19 juin 2024 n° 22-23.143
En cas de dol (mensonge du salarié), la rupture conventionnelle produit les effets d’une démission, si bien que le salarié ne peut se prévaloir ni de l’indemnité spécifique de rupture, ni de l’assurance chômage.
Dans cette affaire, lorsqu’il avait sollicité une rupture conventionnelle, le salarié avait évoqué auprès de l’employeur souhait de reconversion professionnelle dans le management, sans autre précision, alors qu’en réalité il avait un projet d’entreprise dans le même secteur d’activité avec deux anciens salariés. Les juges ont considéré que le consentement de l’employeur avait été vicié et ont annulé la rupture conventionnelle aux torts du salarié.
Cass. soc., 19 juin 2024, n° 23-10.817
Les cas de nullité de la rupture conventionnelle dégagés par la jurisprudence sont notamment les suivants :
La rupture conventionnelle produit alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, voire d’un licenciement nul en présence de faits de harcèlement par exemple.
Depuis un décret entré en vigueur le 7 juillet 2024, les art. R. 1226-10 et s. du C. trav définissent les modalités de la contre-visite médicale effectuée à l’initiative de l’employeur.
En contrepartie de l’obligation pour l’employeur de maintenir tout ou partie de la rémunération du salarié malade, ce dernier peut demander à un médecin de contrôler la réalité de cette incapacité de travail, en organisant une contre-visite médicale, dès le premier jour d’absence (art. L. 1226-1 du Code du travail ; Cass. soc. 13-6-2012 n°11-12.152).
La loi de 2008 avait renvoyé à un décret à paraître le soin de préciser les modalités de cette contre-visite, mais ce texte n’ayant jamais vu le jour, la Cour de cassation s’était alors chargée de définir ces modalités, que ce nouveau décret a largement reprises.
Dès le début de l’arrêt de travail, le salarié doit communiquer à l’employeur :
Le médecin en charge de la contre-visite se prononce sur le caractère justifié de l’arrêt de travail, y compris sa durée.
La contre-visite s’effectue à tout moment de l’arrêt de travail et, au choix du médecin :
-soit au domicile du salarié ou au lieu communiqué par lui, en s’y présentant, sans qu’aucun délai de prévenance ne soit exigé, en dehors des heures de sortie autorisées ou, s’il y a lieu, aux heures communiquées par le salarié en cas de « sortie libre ».
-soit au cabinet du médecin, sur convocation de celui-ci par tout moyen conférant date certaine à la convocation. Si le salarié est dans l’impossibilité de se déplacer, notamment en raison de son état de santé, il en informe le médecin en en précisant les raisons.
A l’issue de sa mission, le médecin informe l’employeur, soit du caractère justifié ou injustifié de l’arrêt de travail, soit de l’impossibilité de procéder au contrôle pour un motif imputable au salarié, tenant notamment à son refus de se présenter à la convocation ou à son absence lors de la visite à domicile.
L’employeur transmet sans délai cette information au salarié.
Un décret du 6 juin 2024 encadre le contenu de l’invitation à négocier le protocole d’accord préélectoral que l’employeur doit adresser aux organisations syndicales intéressées en vue de la mise en place ou du renouvellement du CSE.
Il faut impérativement mentionner :
– le nom et l’adresse de l’employeur, ainsi que, le cas échéant, la désignation de l’établissement,
– l’intitulé et l’identifiant de la convention collective de branche applicable, le cas échéant,
– le lieu, la date et l’heure de la première réunion de négociation du protocole d’accord préélectoral.
C. trav. art. D 2314-1-1 nouveau
En matière de harcèlement moral ou sexuel, la réponse d’un employeur peut faire toute la différence. Deux arrêts récents confirment qu’il est crucial pour l’employeur de diligenter une enquête à la suite de signalement d’actes de harcèlement.
1er arrêt (harcèlement moral) : ne manque pas à son obligation de sécurité l’employeur qui, alerté par le courrier de l’avocat de la salariée d’un possible harcèlement moral, diligente une enquête une semaine plus tard, confiée à une commission composée de représentants du personnel et d’un représentant de la direction. Cette commission a entendu 25 personnes et conclut 3 mois plus tard à l’absence de harcèlement moral de la part de la supérieure hiérarchique de la salariée (Cass. soc. 2 mai 2024 no 22-18.459)
2ème arrêt (harcèlement sexuel) : L’employeur n’ayant diligenté aucune enquête à la suite de leur dénonciation par l’intéressée, la cour d’appel a pu en déduire la violation de son obligation de sécurité, peu important que la salariée ait été en arrêt de travail lors de cette dénonciation et que les faits aient donné lieu à une enquête préliminaire suivie d’un rappel à la loi (Cass. soc. 2 mai 2024 n° 21-14.828).