Actualité droit social

Entretien d’évaluation et entretien professionnel : peuvent-ils être tenus à la même date ?

Tous les deux ans, le salarié bénéficie d’un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi. Cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié (art. L. 6315-1, I, du Code du travail).

Pour la Cour de cassation, l’entretien d’évaluation et l’entretien professionnel peuvent parfaitement être tenus à la même date.

Attention cependant : lors de la tenue de l’entretien professionnel, les questions d’évaluation ne doivent pas être évoquées. Les deux entretiens doivent donc être tenus de manière bien distincte et doivent donner lieu à deux comptes-rendus distincts.

Cass. soc. 5 juillet 2023 n° 21-24.122


Congés payés et maladie : petite révolution par la Cour de cassation

Un premier arrêt du 13 septembre 2023 concerne l’arrêt maladie d’origine non professionnelle :

– Avant cet arrêt, le salarié en arrêt maladie ne pouvait acquérir des droits à congés, sauf si l’arrêt de travail faisait suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle.
Par cet arrêt, la Cour de cassation énonce dorénavant que le salarié acquiert des congés payés en cas d’arrêt maladie, que l’arrêt de travail soit d’origine professionnelle ou non, conformément au droit européen.

Est donc écarté l’article L. 3141-3 du Code du travail en ce qu’il subordonne l’acquisition de droits à congé payé à l’exécution d’un travail effectif.

Un deuxième arrêt du même jour concerne l’arrêt maladie d’origine professionnelle :
Avant cet arrêt : le calcul l’indemnité compensatrice de congé payé ne pouvait prendre en compte plus d’un an d’arrêt de travail en cas d’accident du travail ou maladie professionnelle.
Par cet arrêt, la Cour juge désormais qu’il est possible de calculer les droits à congé payé en incluant toute la période d’arrêt de travail, sans aucune limite, conformément au droit européen.

Est donc partiellement écarté l’art. L. 3141-5, 5° du Code du travail.

Un troisième arrêt énonce que le délai de prescription de 3 ans de l’indemnité de congé payé ne peut commencer à courir que si l’employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer effectivement son droit à congé payé. Dans ce cas, la salariée n’avait pas été en mesure de prendre des congés payés au cours de ses 10 années d’activité au sein de la société, puisque l’employeur n’avait pas reconnu l’existence d’un contrat de travail. Le délai de prescription ne pouvait donc pas commencer à courir et la salariée pouvait donc remonter sur 10 ans pour calculer ses droits.

Cass. soc., 13 sept. 2023, n° 22-17.340 à 22-17.342 ; 22-17.638 ; 22-10.529, 22-11.106


Protection accrue des familles d’enfants atteints de graves problèmes de santé

Protection contre la rupture du contrat de travail pendant le congé de présence parentale : licenciement impossible sauf cas de faute grave ou lourde du salarié, ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’état de santé de l’enfant du salarié (C. trav. art. L. 1225-4-4, al. 1 nouveau). La même protection s’applique pendant les périodes travaillées si le congé de présence parentale est fractionné ou pris à temps partiel.

Télétravail : il appartient à l’accord collectif ou, à défaut, à la charte élaborée par l’employeur mettant en place le télétravail, de préciser les modalités d’accès à une organisation en télétravail des salariés aidants d’un enfant, d’un parent ou d’un proche (C. trav. art. L 1222-9, II modifié).

En l’absence d’accord collectif ou de charte mettant en place le télétravail : l’employeur doit motiver son refus d’accéder à la demande de recours au télétravail lorsqu’elle émane de ces mêmes salariés aidants. L’obligation de motivation de l’employeur n’est donc plus limitée, comme c’était le cas, à la demande de recours au télétravail émise par le proche aidant d’une personne âgée (C. trav. art. L 1229, I modifié).

Allongement de la durée minimale légale de certains congés liés à l’état de santé de l’enfant :

décès d’un enfant âgé d’au moins 25 ans : le congé est porté de 5 à 12 jours ouvrables

décès d’un enfant du salarié âgé de moins de 25 ans, d’une personne à sa charge effective et permanente âgée de moins de 25 ans ou, quel que soit son âge, d’un enfant qui est lui-même parent : sa durée est portée de 7 jours ouvrés à 14 jours ouvrables

annonce de la survenue d’un handicap, d’une pathologie chronique nécessitant un apprentissage thérapeutique ou d’un cancer chez l’enfant du salarié : le congé est porté de 2 à 5 jours ouvrables.

(C. trav. art. L 3142-1 modifié)

Loi du 19-7-2023 (n°2023-622)


Attention à rédiger ou traduire en français les documents relatifs à l’exécution du contrat de travail : à défaut, inopposabilité au salarié.

Aux termes de l’article L. 1321-6 du code du travail :

Principe : doit être rédigé en français tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail.

Exception : les documents reçus de l’étranger ou destinés à des étrangers n’ont pas à être traduits.

Dans cette affaire, le plan de commissionnement d’un salarié était rédigé en anglais.

La Cour d’appel avait considéré que ce document était opposable au salarié, après avoir relevé que la langue de travail de l’entreprise est l’anglais, les échanges de mails produits entre les parties étant, pour la plupart, en anglais, y compris les documents de travail établis par le salarié.

La Cour de cassation censure cet arrêt en considérant simplement, en application de l’article ci-dessus, que le document, rédigé en anglais, n’était pas opposable au salarié. Le document n’avait pas été reçu de l’étranger.

Conséquence : l’employeur devait restituer au salarié une reprise de commission prélevée sur un bulletin de paie en application du plan de commissionnement.

Cass. soc. 7 juin 2023 n° 21-20.322


Tout savoir sur la rupture du contrat à durée déterminée

Lorsque la période d’essai est achevée, le Contrat à Durée Déterminée (CDD) ne peut être rompu que dans les cas suivants :

– Accord des parties,
– Faute grave,
– Force majeure,
– Inaptitude du salarié constatée par le médecin du travail,
– Embauche sous CDI par une autre entreprise. Un préavis doit alors être respecté.

En cas de rupture anticipée du CDD par l’employeur en dehors des cas ci-dessus, le salarié est en droit de percevoir des dommages-et-intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat.

En cas de préjudice moral, le salarié peut également prétendre au versement d’une indemnité à ce titre.

Le salarié est également en droit de percevoir les indemnités versées lors de la cessation de tout CDD, à savoir l’indemnité de fin de contrat, calculée sur toute la durée initialement prévue du contrat, et l’indemnité compensatrice de congés payés calculée sur la seule période antérieure à la rupture.

Si c’est le salarié qui rompt le CDD de manière anticipée en dehors des cas listés ci-dessus, l’employeur peut solliciter la condamnation de ce dernier à lui verser des dommages-intérêts en fonction du préjudice subi.

A noter que si les règles impératives applicables à l’embauche sous CDD n’ont pas été respectées, le contrat est alors un CDI et les règles de rupture afférentes à ce type de contrat sont alors applicables. Il en va ainsi notamment en l’absence de contrat écrit, ou bien en cas d’embauche en dehors des cas de recours limitativement énumérés par l’article L. 1242-2 du Code du travail ou encore lorsque le CDD a pour objet ou pour effet de pourvoir durablement à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Le salarié sera en droit de prétendra à une indemnité de requalification du CDD en CDI.


Licenciement pour insuffisance professionnelle : les précautions pratiques

Avant le licenciement : mettre en place un plan d’amélioration.

Après avoir détecté des carences, l’employeur aura intérêt à effectuer un point à la fois verbal et écrit avec le salarié. Celui-ci doit en effet pouvoir prouver qu’il a alerté le salarié sur ses carences et mis au point avec lui un plan d’amélioration sur ces sujets. Il sera alors en mesure, par la suite, d’invoquer ces faits dans la lettre de licenciement lorsqu’ils se seront produits à nouveau.

Le cas échéant, l’employeur aura intérêt à proposer une formation afin de satisfaire à son obligation d’adaptation du salarié à son poste de travail. Le refus sans motif légitime du salarié a un caractère fautif.

Conserver les preuves des manquements, en gardant par exemple les travaux erronés remis par le salarié, car l’inaptitude doit être vérifiable. L’employeur pourra également faire attester les salariés témoins de ces manquements, notamment les supérieurs hiérarchiques directs du salarié. Ces témoignages sont d’autant plus crédibles lorsqu’ils sont rédigés au moment du licenciement.

Précautions lors du licenciement :

– Ne pas qualifier de faute des faits relevant de l’insuffisance professionnelle,- Ne pas licencier pour insuffisance de résultats un salarié qui ne s’est jamais vu fixer d’objectifs,
– Ne pas licencier un salarié qui a été récemment félicité (promotion, prime, augmentation),
– Vérifier que les faits reprochés correspondent bien à la qualification du salarié,
– Vérifier que le salarié disposait des moyens pour exécuter sa mission, en termes de matériel et de formation.

A noter que l’entreprise n’a pas à prouver de préjudice, d’incidence sur ses résultats, pour justifier l’insuffisance professionnelle.

 


Réintégration du salarié déclaré apte avec réserves : attention à la catastrophe !

Le salarié exerçait les fonctions de directeur marketing, statut cadre dirigeant, et avait plus de 20 ans d’ancienneté.

Après un arrêt de travail, le médecin du travail l’a déclaré apte à son poste, mais à mi-temps seulement.

L’employeur, considérant que ce poste n’était pas praticable à mi-temps, avait créé un poste de chargé de mission marketing à mi-temps, que le médecin du travail avait approuvé. Ce poste induisait une baisse de moitié de sa rémunération.

Le salarié a refusé ce poste, considérant qu’il s’agissait d’une modification de son contrat de travail. L’employeur lui avait néanmoins imposé cette modification.

Le salarié a alors intenté une action en résiliation judiciaire de son contrat de travail. Les juges ont considéré que cette résiliation produisait les effets d’un licenciement nul, en raison du caractère discriminatoire de la modification, fondée sur l’état de santé du salarié.

A noter que l’employeur avait engagé parallèlement des discussions avec le médecin du travail, qui avait finalement déclaré le salarié inapte à son poste de directeur marketing et apte au poste de chargé de mission à mi-temps. Le salarié avait été ensuite licencié pour inaptitude. Mais il était trop tard : le salarié avait déjà engagé l’action en résiliation judiciaire fondée sur la modification imposée du contrat de travail et le juge était obligé de statuer dessus en premier.

Dans ce cas de figure, si l’employeur considère que les préconisations du médecin du travail sont manifestement impraticables et si les discussions avec ce dernier échouent, il peut contester l’avis d’aptitude en saisissant le juge prud’homal, avant même de prendre toute décision définitive concernant le salarié.

Cass. soc. 24 mai 2023 n° 21-23.941


Inaptitude du salarié dû à un harcèlement moral = nullité du licenciement

Lorsque le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de l’intéressée est la conséquence des agissements de harcèlement moral de l’employeur, le licenciement intervenu à la suite de l’inaptitude est nul (Cass. soc. 1er février 2023, n° 21-24.652).

En cas de licenciement nul, le barème de l’art. L. 1235-3 (« barème Macron ») n’est pas applicable. Le salarié est en droit d’obtenir une indemnité pour licenciement nul égale à un minimum de 6 mois de salaire, sans qu’aucun maximum ne soit fixé (art. L. 1235-3-1 du Code du travail).

La Cour de cassation vient également d’énoncer que le salarié peut aussi demander sa réintégration (Cass. soc. 19-4-2023 n° 21–25221).


Reclassement : attention à la rédaction de l’avis d’inaptitude !

Deux arrêts de la Cour de cassation du même jour permettent d’y voir plus clair :

  • Mention : « L’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi» : l’employeur est totalement dispensé de recherches de reclassement (Cass. soc., 8 février 2023, n° 21-19.232
  • Mention : « L’état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi dans cette entreprise». L’employeur doit tenter de reclasser le salarié dans les autres sociétés du groupe. (Cass. soc., 8 février 2023, n° 21-11.356)

Il faut donc être prudent dans la lecture de l’avis d’inaptitude car la méconnaissance de l’obligation de reclassement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse et peut avoir de lourdes conséquences pécuniaires.

 


Tout savoir sur la mise à pied.

Il existe 2 types de mise à pied :

  • La mise à pied disciplinaire: sanction visant à suspendre temporairement le contrat de travail et la rémunération du salarié ayant eu un comportement fautif.
  • La mise à pied conservatoire: mesure provisoire permettant à l’employeur d’écarter le salarié de l’entreprise dans l’attente d’une sanction disciplinaire. Il ne s’agit pas d’une sanction en tant que telle.

En cas de mise à pied régulière, l’employeur est en droit de procéder à une retenue sur salaire correspondant au temps de travail non effectué par le salarié. La mise à pied ne peut pas être assimilée à une sanction pécuniaire interdite.

En cas de mise à pied conservatoire, l’employeur est dispensé du paiement du salaire seulement si elle est suivie d’un licenciement pour faute grave ou lourde, justifié par les mêmes faits que ceux ayant motivé la mise à pied conservatoire. À défaut, le salarié a droit à un rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied.

Le salarié est en droit de percevoir le salaire dont il été privé lorsque :

  • Le juge ne valide pas la faute grave,
  • L’employeur renonce finalement à licencier ou licencie pour un motif autre qu’une faute grave ou lourde,
  • Si la mise à pied a été suspendue par l’employeur, ce qui signifie qu’elle n’était donc pas nécessaire. Mais le versement de sa rémunération au salarié pendant la mise à pied conservatoire n’empêche pas l’employeur de se prévaloir de la faute grave.

Le salarié en mise à pied conservatoire ne peut pas prendre ses congés payés pendant cette période, même si les dates avaient été décidées avant.

La mise à pied régulière entraîne les conséquences classiques d’une suspension du contrat de travail : période non retenue pour calculer la durée des congés payés (sauf disposition conventionnelle contraire) ; les primes associées à une condition de présence peuvent être réduites à due proportion ; impact sur le calcul de la participation et de l’intéressement. En revanche, il continue à bénéficier du véhicule de fonction dont il a l’usage dans sa vie personnelle, ou du logement de fonction.

Si le salarié est titulaire d’un mandat de représentant du personnel, celui-ci peut continuer à exercer son mandat au sein de l’entreprise pendant la mise à pied, et les heures de délégation doivent lui être payées.