Actualité droit social

Accident du travail : deux exemples instructifs

Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail (art. L. 411-1 Code sécurité sociale).

1er exemple : La Cour de cassation rappelle d’abord qu’un accident qui se produit alors que le salarié ne se trouve plus sous la subordination juridique de l’employeur constitue un accident du travail, si l’intéressé ou ses ayants droit établissent qu’il est survenu par le fait du travail.

Il s’agissait d’une tentative de suicide sur le lieu de travail mais hors du temps de travail.

La Cour d’appel avait écarté l’accident du travail au motif notamment que, si l’intéressé avait appris la veille que l’autorisation administrative de licenciement avait été accordée, celui-ci avait cependant agi pour conférer la plus large publicité à son acte sur le lieu de travail. Ainsi, cette action réfléchie et volontaire de l’intéressé constituait la cause de l’ingestion médicamenteuse, excluant par là-même la reconnaissance d’un fait accidentel.

La Cour de cassation casse l’arrêt et valide l’accident du travail, dès lors qu’il avait été constaté que la tentative de suicide avait été causée par l’imminence du licenciement du salarié. Cass. civ. 2ème, 1er juin 2023, n° 21-17.804

2ème exemple : un salarié avait déclaré avoir été victime d’un accident du travail ayant causé une lombosciatique, lésion de la jambe non visible à l’œil nu.

La Cour d’appel avait cependant déclaré l’accident inopposable à l’employeur aux motifs notamment :

– que celui-ci n’avait pas eu de témoin en dépit du fait que la victime travaille en équipe,
– et que l’attestation d’un collègue de travail révèlait son intention de feindre un accident du travail quelques jours avant la survenue de l’accident litigieux, en raison d’un climat de tension avec son employeur.

La Cour de cassation valide cet arrêt en application du pouvoir souverain des juges du fond. Cass. civ. 2ème, 1er juin 2023, n°21-21.281


Période d’essai : fin de la dérogation aux durées maximales légales.

Depuis une loi du 25 juin 2008, la durée maximale de la période d’essai est fixée par la loi : 2 mois pour les ouvriers et employés, 3 mois pour les agents de maîtrise et techniciens et 4 mois pour les cadres (art. L. 1221-19 du Code du travail).

L’article L. 1221-22 du Code du travail prévoyait que les durées plus longues fixées par accord de branche conclu avant le 26 juin 2008 faisaient exception. Ce n’est plus possible depuis le 9 septembre 2023 (Loi n° 2023-171 du 9 mars 2023, entrée en vigueur le 9 septembre 2023).

Il existe 9 conventions collectives prévoyant à ce jour des durées maximales plus longues, désormais inapplicables : transport aérien personnel au sol, remontées mécaniques, salariés permanents des entreprises de travail temporaire, promotion construction, formation organismes, assurance sociétés, assurance sociétés inspection, banque et mutualités.

A noter qu’il est toujours possible de stipuler une durée plus courte que la durée légale énoncée ci-dessus.


Syntec : le 13ème mois ne vaut pas prime de vacances.

Aux termes de l’art. 7.3 de la convention collective Syntec, l’employeur doit verser au salarié une prime de vacances au moins être égale à 1 % de la base brute du salaire servant de base aux congés payés.

Le texte précise que toutes les primes ou gratifications versées à l’ensemble des salariés en cours d’année à divers titres et quelle qu’en soit la nature, peuvent être considérées comme primes de vacances à condition qu’elles soient au moins égales au pourcentage ci-dessus et qu’une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre.

La Cour de cassation vient de préciser que le treizième mois ne constitue qu’une modalité de paiement du salaire et ne peut valoir prime de vacances (Cass. soc. 21 juin 2023 n° 21-21.150).

Le texte de l’article 7.3 précise aussi qu’une prime d’objectif stipulée au contrat de travail ne peut, de même, valoir prime de vacances.


Entretien d’évaluation et entretien professionnel : peuvent-ils être tenus à la même date ?

Tous les deux ans, le salarié bénéficie d’un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi. Cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié (art. L. 6315-1, I, du Code du travail).

Pour la Cour de cassation, l’entretien d’évaluation et l’entretien professionnel peuvent parfaitement être tenus à la même date.

Attention cependant : lors de la tenue de l’entretien professionnel, les questions d’évaluation ne doivent pas être évoquées. Les deux entretiens doivent donc être tenus de manière bien distincte et doivent donner lieu à deux comptes-rendus distincts.

Cass. soc. 5 juillet 2023 n° 21-24.122


Congés payés et maladie : petite révolution par la Cour de cassation

Un premier arrêt du 13 septembre 2023 concerne l’arrêt maladie d’origine non professionnelle :

– Avant cet arrêt, le salarié en arrêt maladie ne pouvait acquérir des droits à congés, sauf si l’arrêt de travail faisait suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle.
Par cet arrêt, la Cour de cassation énonce dorénavant que le salarié acquiert des congés payés en cas d’arrêt maladie, que l’arrêt de travail soit d’origine professionnelle ou non, conformément au droit européen.

Est donc écarté l’article L. 3141-3 du Code du travail en ce qu’il subordonne l’acquisition de droits à congé payé à l’exécution d’un travail effectif.

Un deuxième arrêt du même jour concerne l’arrêt maladie d’origine professionnelle :
Avant cet arrêt : le calcul l’indemnité compensatrice de congé payé ne pouvait prendre en compte plus d’un an d’arrêt de travail en cas d’accident du travail ou maladie professionnelle.
Par cet arrêt, la Cour juge désormais qu’il est possible de calculer les droits à congé payé en incluant toute la période d’arrêt de travail, sans aucune limite, conformément au droit européen.

Est donc partiellement écarté l’art. L. 3141-5, 5° du Code du travail.

Un troisième arrêt énonce que le délai de prescription de 3 ans de l’indemnité de congé payé ne peut commencer à courir que si l’employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer effectivement son droit à congé payé. Dans ce cas, la salariée n’avait pas été en mesure de prendre des congés payés au cours de ses 10 années d’activité au sein de la société, puisque l’employeur n’avait pas reconnu l’existence d’un contrat de travail. Le délai de prescription ne pouvait donc pas commencer à courir et la salariée pouvait donc remonter sur 10 ans pour calculer ses droits.

Cass. soc., 13 sept. 2023, n° 22-17.340 à 22-17.342 ; 22-17.638 ; 22-10.529, 22-11.106


Protection accrue des familles d’enfants atteints de graves problèmes de santé

Protection contre la rupture du contrat de travail pendant le congé de présence parentale : licenciement impossible sauf cas de faute grave ou lourde du salarié, ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’état de santé de l’enfant du salarié (C. trav. art. L. 1225-4-4, al. 1 nouveau). La même protection s’applique pendant les périodes travaillées si le congé de présence parentale est fractionné ou pris à temps partiel.

Télétravail : il appartient à l’accord collectif ou, à défaut, à la charte élaborée par l’employeur mettant en place le télétravail, de préciser les modalités d’accès à une organisation en télétravail des salariés aidants d’un enfant, d’un parent ou d’un proche (C. trav. art. L 1222-9, II modifié).

En l’absence d’accord collectif ou de charte mettant en place le télétravail : l’employeur doit motiver son refus d’accéder à la demande de recours au télétravail lorsqu’elle émane de ces mêmes salariés aidants. L’obligation de motivation de l’employeur n’est donc plus limitée, comme c’était le cas, à la demande de recours au télétravail émise par le proche aidant d’une personne âgée (C. trav. art. L 1229, I modifié).

Allongement de la durée minimale légale de certains congés liés à l’état de santé de l’enfant :

décès d’un enfant âgé d’au moins 25 ans : le congé est porté de 5 à 12 jours ouvrables

décès d’un enfant du salarié âgé de moins de 25 ans, d’une personne à sa charge effective et permanente âgée de moins de 25 ans ou, quel que soit son âge, d’un enfant qui est lui-même parent : sa durée est portée de 7 jours ouvrés à 14 jours ouvrables

annonce de la survenue d’un handicap, d’une pathologie chronique nécessitant un apprentissage thérapeutique ou d’un cancer chez l’enfant du salarié : le congé est porté de 2 à 5 jours ouvrables.

(C. trav. art. L 3142-1 modifié)

Loi du 19-7-2023 (n°2023-622)


Attention à rédiger ou traduire en français les documents relatifs à l’exécution du contrat de travail : à défaut, inopposabilité au salarié.

Aux termes de l’article L. 1321-6 du code du travail :

Principe : doit être rédigé en français tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail.

Exception : les documents reçus de l’étranger ou destinés à des étrangers n’ont pas à être traduits.

Dans cette affaire, le plan de commissionnement d’un salarié était rédigé en anglais.

La Cour d’appel avait considéré que ce document était opposable au salarié, après avoir relevé que la langue de travail de l’entreprise est l’anglais, les échanges de mails produits entre les parties étant, pour la plupart, en anglais, y compris les documents de travail établis par le salarié.

La Cour de cassation censure cet arrêt en considérant simplement, en application de l’article ci-dessus, que le document, rédigé en anglais, n’était pas opposable au salarié. Le document n’avait pas été reçu de l’étranger.

Conséquence : l’employeur devait restituer au salarié une reprise de commission prélevée sur un bulletin de paie en application du plan de commissionnement.

Cass. soc. 7 juin 2023 n° 21-20.322


Tout savoir sur la rupture du contrat à durée déterminée

Lorsque la période d’essai est achevée, le Contrat à Durée Déterminée (CDD) ne peut être rompu que dans les cas suivants :

– Accord des parties,
– Faute grave,
– Force majeure,
– Inaptitude du salarié constatée par le médecin du travail,
– Embauche sous CDI par une autre entreprise. Un préavis doit alors être respecté.

En cas de rupture anticipée du CDD par l’employeur en dehors des cas ci-dessus, le salarié est en droit de percevoir des dommages-et-intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat.

En cas de préjudice moral, le salarié peut également prétendre au versement d’une indemnité à ce titre.

Le salarié est également en droit de percevoir les indemnités versées lors de la cessation de tout CDD, à savoir l’indemnité de fin de contrat, calculée sur toute la durée initialement prévue du contrat, et l’indemnité compensatrice de congés payés calculée sur la seule période antérieure à la rupture.

Si c’est le salarié qui rompt le CDD de manière anticipée en dehors des cas listés ci-dessus, l’employeur peut solliciter la condamnation de ce dernier à lui verser des dommages-intérêts en fonction du préjudice subi.

A noter que si les règles impératives applicables à l’embauche sous CDD n’ont pas été respectées, le contrat est alors un CDI et les règles de rupture afférentes à ce type de contrat sont alors applicables. Il en va ainsi notamment en l’absence de contrat écrit, ou bien en cas d’embauche en dehors des cas de recours limitativement énumérés par l’article L. 1242-2 du Code du travail ou encore lorsque le CDD a pour objet ou pour effet de pourvoir durablement à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Le salarié sera en droit de prétendra à une indemnité de requalification du CDD en CDI.


Licenciement pour insuffisance professionnelle : les précautions pratiques

Avant le licenciement : mettre en place un plan d’amélioration.

Après avoir détecté des carences, l’employeur aura intérêt à effectuer un point à la fois verbal et écrit avec le salarié. Celui-ci doit en effet pouvoir prouver qu’il a alerté le salarié sur ses carences et mis au point avec lui un plan d’amélioration sur ces sujets. Il sera alors en mesure, par la suite, d’invoquer ces faits dans la lettre de licenciement lorsqu’ils se seront produits à nouveau.

Le cas échéant, l’employeur aura intérêt à proposer une formation afin de satisfaire à son obligation d’adaptation du salarié à son poste de travail. Le refus sans motif légitime du salarié a un caractère fautif.

Conserver les preuves des manquements, en gardant par exemple les travaux erronés remis par le salarié, car l’inaptitude doit être vérifiable. L’employeur pourra également faire attester les salariés témoins de ces manquements, notamment les supérieurs hiérarchiques directs du salarié. Ces témoignages sont d’autant plus crédibles lorsqu’ils sont rédigés au moment du licenciement.

Précautions lors du licenciement :

– Ne pas qualifier de faute des faits relevant de l’insuffisance professionnelle,- Ne pas licencier pour insuffisance de résultats un salarié qui ne s’est jamais vu fixer d’objectifs,
– Ne pas licencier un salarié qui a été récemment félicité (promotion, prime, augmentation),
– Vérifier que les faits reprochés correspondent bien à la qualification du salarié,
– Vérifier que le salarié disposait des moyens pour exécuter sa mission, en termes de matériel et de formation.

A noter que l’entreprise n’a pas à prouver de préjudice, d’incidence sur ses résultats, pour justifier l’insuffisance professionnelle.

 


Réintégration du salarié déclaré apte avec réserves : attention à la catastrophe !

Le salarié exerçait les fonctions de directeur marketing, statut cadre dirigeant, et avait plus de 20 ans d’ancienneté.

Après un arrêt de travail, le médecin du travail l’a déclaré apte à son poste, mais à mi-temps seulement.

L’employeur, considérant que ce poste n’était pas praticable à mi-temps, avait créé un poste de chargé de mission marketing à mi-temps, que le médecin du travail avait approuvé. Ce poste induisait une baisse de moitié de sa rémunération.

Le salarié a refusé ce poste, considérant qu’il s’agissait d’une modification de son contrat de travail. L’employeur lui avait néanmoins imposé cette modification.

Le salarié a alors intenté une action en résiliation judiciaire de son contrat de travail. Les juges ont considéré que cette résiliation produisait les effets d’un licenciement nul, en raison du caractère discriminatoire de la modification, fondée sur l’état de santé du salarié.

A noter que l’employeur avait engagé parallèlement des discussions avec le médecin du travail, qui avait finalement déclaré le salarié inapte à son poste de directeur marketing et apte au poste de chargé de mission à mi-temps. Le salarié avait été ensuite licencié pour inaptitude. Mais il était trop tard : le salarié avait déjà engagé l’action en résiliation judiciaire fondée sur la modification imposée du contrat de travail et le juge était obligé de statuer dessus en premier.

Dans ce cas de figure, si l’employeur considère que les préconisations du médecin du travail sont manifestement impraticables et si les discussions avec ce dernier échouent, il peut contester l’avis d’aptitude en saisissant le juge prud’homal, avant même de prendre toute décision définitive concernant le salarié.

Cass. soc. 24 mai 2023 n° 21-23.941