L’employeur peut fixer unilatéralement les objectifs du salarié dans le cadre de son pouvoir de direction.
Cependant, ceux-ci doivent être réalisables et portés à la connaissance du salarié en début d’exercice. A défaut, le montant maximum prévu pour la part variable doit être payé intégralement comme si le salarié avait réalisé ses objectifs.
Dans cette affaire, pour un exercice d’octobre N à septembre N + 1, l’employeur avait seulement prévenu le salarié en novembre N que ses objectifs seraient revus en janvier N+1.
Les objectifs n’ayant donc pas été fixés en début d’exercice, la Cour de cassation énonce que le salarié était pour cette seule raison en droit de percevoir le maximum de son salaire variable.
Cass. soc. 31 janvier 2024 n° 22-22.709
Une salariée avait été informée que son lieu de travail devait être transféré d’une localité à une autre. Ayant refusé d’intégrer son nouveau lieu de travail, elle a été licenciée pour faute grave le 22 mai 2014.
En l’absence de clause de mobilité, une mutation géographique ne constitue pas une modification du contrat de travail soumise à l’accord du salarié si le nouveau lieu de travail est situé dans le même secteur géographique.
La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel qui avait décidé que les localités n’étaient pas situées dans le même secteur géographique, pour les raisons suivantes :
Si les 3 premiers critères sont classiques, le dernier est nouveau dans l’appréciation de la modification de secteur.
Cass. soc. 24 janvier 2024 n° 22-19.752
L’employeur ne peut rompre le contrat de travail d’un salarié pendant les 10 semaines suivant la naissance de son enfant, sauf s’il justifie d’une faute grave de l’intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant (art. L. 1225-4-1 du code du travail).
En l’espèce, au titre de l’impossibilité de maintenir le contrat de travail, l’employeur avait invoqué des manquements professionnels du salarié, sans lien avec la naissance de son enfant.
Pour la Cour d’appel, ce type de grief ne pouvaient caractériser l’impossibilité de maintenir le contrat de travail, ce qui a été validé par la Cour de cassation. Cass. soc., 27 sept. 23, n° 21-22.937
Exemple de grief constituant l’impossibilité de maintenir le contrat : nouvelle répartition des secteurs de vente décidée en raison des difficultés économiques de l’entreprise, la salariée enceinte, dont le secteur avait été absorbé, ayant refusé un nouveau secteur géographique malgré la clause de mobilité incluse dans son contrat de travail (Cass. soc. 24-1-1996 n° 92-42.682)
Il est interdit à un employeur, non seulement de notifier un licenciement, quel qu’en soit le motif, pendant la période de protection absolue (congé maternité et congés payés pris immédiatement après), mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision.
L’envoi d’une lettre de convocation à l’entretien préalable constitue une telle mesure préparatoire, peu important que l’entretien ait lieu à l’issue de cette période.
Dans cette affaire, le contrat de travail de la salariée a été suspendu du 8 septembre 2017 au 24 janvier 2018, en raison de son congé maternité et des congés payés pris immédiatement après, la reprise effective du travail étant fixée au 25 janvier 2018.
Par lettre du 16 janvier 2018, l’employeur l’a convoquée à un entretien préalable fixé au 10 avril 2018. L’intéressée a accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 1er mai suivant.
Ainsi, la convocation à entretien préalable avait été envoyée pendant la période de protection absolue, ce qui aurait dû entraîner la nullité du licenciement. L’arrêt de la Cour d’appel est donc cassé.
Cass. soc., 29 novembre 2023, n° 22-15.794
L’employeur demandait le règlement des frais de carburant réalisés à des fins personnelles, pendant les jours de repos, les vacances, les jours fériés et week-end de la salariée.
La Cour d’appel avait débouté l’entreprise en énonçant que les règles d’utilisation de la carte carburant et du véhicule de service n’avaient pas été notifiées à la salariée, ou trop tardivement pour lui être opposables.
La Cour de cassation casse cependant cet arrêt en considérant que l’employeur ne s’était engagé à prendre en charge que les dépenses de carburant à des fins professionnelles, et non celles réalisées à des fins personnelles.
La Cour de cassation réitère ainsi le principe selon lequel la restitution de l’indu n’est pas subordonnée à l’absence d’erreur ou de faute de celui qui a payé. Seule la preuve de l’intention libérale de l’employeur aurait pu empêcher le remboursement.
Cass. soc. 8 nov. 2023 n° 22-10.384
L’assemblée plénière de la Cour de cassation vient d’opérer un revirement important, alignant la position en matière civile tant avec le droit européen qu’avec le droit pénal.
Était en cause la production par l’employeur de l’enregistrement, effectué à l’insu du salarié, de l’entretien préalable à licenciement, au sein duquel le salarié avait expressément refusé de fournir à son employeur le suivi de son activité commerciale.
Jusqu’à maintenant, de telles preuves étaient écartées systématiquement des débats au motif qu’elles avaient été obtenues à l’insu de l’autre partie, donc de manière déloyale, ce qu’avait d’ailleurs fait la Cour d’appel.
L’arrêt d’appel est cassé par la Cour de cassation : est abandonné un tel rejet systématique des preuves illicites ou déloyales au profit d’une position plus nuancée.
La Cour de cassation énonce ainsi que le juge doit alors apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits contraires en présence.
Ainsi, le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
Cass., Ass. plénière, 22 déc. 2023, n° 20-20.648
A noter que dans un autre arrêt du même jour, la Cour de cassation a confirmé le rejet des débats de la capture d’écran à l’insu du salarié d’une conversation tirée d’un compte Facebook aux termes de laquelle le salarié sous-entendait, dans des termes insultants, que la promotion dont avait bénéficié un intérimaire était liée à son orientation sexuelle et à celle de son supérieur hiérarchique. La Cour de cassation rappelle que le motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire que s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
Cass., Ass. plénière, 22 déc. 2023, n° 21-11.330
L’employeur demandait le règlement des frais de carburant réalisés à des fins personnelles, pendant les jours de repos, les vacances, les jours fériés et week-end de la salariée.
La Cour d’appel avait débouté l’entreprise en énonçant que les règles d’utilisation de la carte carburant et du véhicule de service n’avaient pas été notifiées à la salariée, ou trop tardivement pour lui être opposables.
La Cour de cassation casse cependant cet arrêt en considérant que l’employeur ne s’était engagé à prendre en charge que les dépenses de carburant à des fins professionnelles, et non celles réalisées à des fins personnelles.
La Cour de cassation réitère ainsi le principe selon lequel la restitution de l’indu n’est pas subordonnée à l’absence d’erreur ou de faute de celui qui a payé. Seule la preuve de l’intention libérale de l’employeur aurait pu empêcher le remboursement.
Cass. soc. 8 nov. 2023 n° 22-10.384
Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail (art. L. 411-1 Code sécurité sociale).
Le malaise était survenu sur le lieu et pendant le temps de travail, mais la salariée s’était heurtée à un refus de prise en charge à titre d’accident de travail, au motif que la preuve n’aurait pas été rapportée de l’existence d’un événement brusque et soudain, ce qu’avait confirmé la Cour d’appel.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel, en énonçant que cette dernière ne pouvait écarter la présomption d’imputabilité de l’accident au travail au seul motif que la salariée ne rapportait pas la preuve d’un évènement brusque et soudain, l’employeur ayant indiqué dans le questionnaire que l’entretien se serait déroulé dans des conditions normales. Cette circonstance était, selon la Haute juridiction, impropre à établir que le malaise avait une cause totalement étrangère au travail.
Cass. 2e civ. 19 octobre 2023 n° 22-13.275
Il s’agissait d’une salariée en CDD engagée en tant que Chargée de mission par un Office de tourisme.
Pendant son arrêt de travail, celle-ci avait signé un contrat de travail à temps complet de personnel naviguant auprès d’une compagnie aérienne, contrat qui débutait par une formation.
L’employeur s’était opposé à cette formation et avait licencié la salariée pour faute grave, licenciement validé par la Cour d’appel.
La Cour de cassation casse cet arrêt en énonçant qu’il n’existait pas de clause d’exclusivité, que la salariée n’était pas entrée au service d’une société concurrente, et qu’il n’était pas démontré que cette activité avait porté préjudice à l’employeur.
Cass. soc. 6 sept. 2023, n° 21-24.434
C’est une confirmation de jurisprudence : en cas d’activité par le salarié pendant son arrêt de travail, ce dernier ne peut être licencié pour déloyauté que s’il s’agit d’une activité concurrente rémunérée. S’il s’agit d’une activité bénévole ou non-concurrente, le licenciement devient beaucoup plus aléatoire, voire injustifié.
Pour rappel, Cass. soc., 1er février 2023, 21-20.526 : un salarié avait participé à 14 compétitions de badminton pendant son arrêt de travail : invalidation du licenciement pour déloyauté car il n’était pas démontré que cette activité aurait aggravé l’état de santé du salarié ou prolongé ses arrêts de travail.
Une infirmière exerçant au service d’accueil des urgences de nuit d’un hôpital avait été licenciée pour avoir participé à des soirées arrosées au temps et lieu de travail.
Elle contestait la recevabilité de certaines preuves, comme des photos et vidéos d’elle en maillot de bain sur son lieu de travail partagées sur un groupe Messenger.
La cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, a cependant considéré que la production des photographies extraites ce compte, portaient certes atteinte à la vie privée de la salariée, mais était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, à savoir la défense de l’intérêt légitime de l’employeur à la protection des patients, confiés aux soins des infirmières.
Ainsi, pour la Cour de cassation, l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats : le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
Cass. soc., 4 oct. 2023, n° 21-25.452