Actualité droit social

Licenciement pour insuffisance professionnelle : les précautions pratiques

Avant le licenciement : mettre en place un plan d’amélioration.

Après avoir détecté des carences, l’employeur aura intérêt à effectuer un point à la fois verbal et écrit avec le salarié. Celui-ci doit en effet pouvoir prouver qu’il a alerté le salarié sur ses carences et mis au point avec lui un plan d’amélioration sur ces sujets. Il sera alors en mesure, par la suite, d’invoquer ces faits dans la lettre de licenciement lorsqu’ils se seront produits à nouveau.

Le cas échéant, l’employeur aura intérêt à proposer une formation afin de satisfaire à son obligation d’adaptation du salarié à son poste de travail. Le refus sans motif légitime du salarié a un caractère fautif.

Conserver les preuves des manquements, en gardant par exemple les travaux erronés remis par le salarié, car l’inaptitude doit être vérifiable. L’employeur pourra également faire attester les salariés témoins de ces manquements, notamment les supérieurs hiérarchiques directs du salarié. Ces témoignages sont d’autant plus crédibles lorsqu’ils sont rédigés au moment du licenciement.

Précautions lors du licenciement :

– Ne pas qualifier de faute des faits relevant de l’insuffisance professionnelle,- Ne pas licencier pour insuffisance de résultats un salarié qui ne s’est jamais vu fixer d’objectifs,
– Ne pas licencier un salarié qui a été récemment félicité (promotion, prime, augmentation),
– Vérifier que les faits reprochés correspondent bien à la qualification du salarié,
– Vérifier que le salarié disposait des moyens pour exécuter sa mission, en termes de matériel et de formation.

A noter que l’entreprise n’a pas à prouver de préjudice, d’incidence sur ses résultats, pour justifier l’insuffisance professionnelle.

 


Réintégration du salarié déclaré apte avec réserves : attention à la catastrophe !

Le salarié exerçait les fonctions de directeur marketing, statut cadre dirigeant, et avait plus de 20 ans d’ancienneté.

Après un arrêt de travail, le médecin du travail l’a déclaré apte à son poste, mais à mi-temps seulement.

L’employeur, considérant que ce poste n’était pas praticable à mi-temps, avait créé un poste de chargé de mission marketing à mi-temps, que le médecin du travail avait approuvé. Ce poste induisait une baisse de moitié de sa rémunération.

Le salarié a refusé ce poste, considérant qu’il s’agissait d’une modification de son contrat de travail. L’employeur lui avait néanmoins imposé cette modification.

Le salarié a alors intenté une action en résiliation judiciaire de son contrat de travail. Les juges ont considéré que cette résiliation produisait les effets d’un licenciement nul, en raison du caractère discriminatoire de la modification, fondée sur l’état de santé du salarié.

A noter que l’employeur avait engagé parallèlement des discussions avec le médecin du travail, qui avait finalement déclaré le salarié inapte à son poste de directeur marketing et apte au poste de chargé de mission à mi-temps. Le salarié avait été ensuite licencié pour inaptitude. Mais il était trop tard : le salarié avait déjà engagé l’action en résiliation judiciaire fondée sur la modification imposée du contrat de travail et le juge était obligé de statuer dessus en premier.

Dans ce cas de figure, si l’employeur considère que les préconisations du médecin du travail sont manifestement impraticables et si les discussions avec ce dernier échouent, il peut contester l’avis d’aptitude en saisissant le juge prud’homal, avant même de prendre toute décision définitive concernant le salarié.

Cass. soc. 24 mai 2023 n° 21-23.941


Inaptitude du salarié dû à un harcèlement moral = nullité du licenciement

Lorsque le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de l’intéressée est la conséquence des agissements de harcèlement moral de l’employeur, le licenciement intervenu à la suite de l’inaptitude est nul (Cass. soc. 1er février 2023, n° 21-24.652).

En cas de licenciement nul, le barème de l’art. L. 1235-3 (« barème Macron ») n’est pas applicable. Le salarié est en droit d’obtenir une indemnité pour licenciement nul égale à un minimum de 6 mois de salaire, sans qu’aucun maximum ne soit fixé (art. L. 1235-3-1 du Code du travail).

La Cour de cassation vient également d’énoncer que le salarié peut aussi demander sa réintégration (Cass. soc. 19-4-2023 n° 21–25221).


Reclassement : attention à la rédaction de l’avis d’inaptitude !

Deux arrêts de la Cour de cassation du même jour permettent d’y voir plus clair :

  • Mention : « L’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi» : l’employeur est totalement dispensé de recherches de reclassement (Cass. soc., 8 février 2023, n° 21-19.232
  • Mention : « L’état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi dans cette entreprise». L’employeur doit tenter de reclasser le salarié dans les autres sociétés du groupe. (Cass. soc., 8 février 2023, n° 21-11.356)

Il faut donc être prudent dans la lecture de l’avis d’inaptitude car la méconnaissance de l’obligation de reclassement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse et peut avoir de lourdes conséquences pécuniaires.

 


Tout savoir sur la mise à pied.

Il existe 2 types de mise à pied :

  • La mise à pied disciplinaire: sanction visant à suspendre temporairement le contrat de travail et la rémunération du salarié ayant eu un comportement fautif.
  • La mise à pied conservatoire: mesure provisoire permettant à l’employeur d’écarter le salarié de l’entreprise dans l’attente d’une sanction disciplinaire. Il ne s’agit pas d’une sanction en tant que telle.

En cas de mise à pied régulière, l’employeur est en droit de procéder à une retenue sur salaire correspondant au temps de travail non effectué par le salarié. La mise à pied ne peut pas être assimilée à une sanction pécuniaire interdite.

En cas de mise à pied conservatoire, l’employeur est dispensé du paiement du salaire seulement si elle est suivie d’un licenciement pour faute grave ou lourde, justifié par les mêmes faits que ceux ayant motivé la mise à pied conservatoire. À défaut, le salarié a droit à un rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied.

Le salarié est en droit de percevoir le salaire dont il été privé lorsque :

  • Le juge ne valide pas la faute grave,
  • L’employeur renonce finalement à licencier ou licencie pour un motif autre qu’une faute grave ou lourde,
  • Si la mise à pied a été suspendue par l’employeur, ce qui signifie qu’elle n’était donc pas nécessaire. Mais le versement de sa rémunération au salarié pendant la mise à pied conservatoire n’empêche pas l’employeur de se prévaloir de la faute grave.

Le salarié en mise à pied conservatoire ne peut pas prendre ses congés payés pendant cette période, même si les dates avaient été décidées avant.

La mise à pied régulière entraîne les conséquences classiques d’une suspension du contrat de travail : période non retenue pour calculer la durée des congés payés (sauf disposition conventionnelle contraire) ; les primes associées à une condition de présence peuvent être réduites à due proportion ; impact sur le calcul de la participation et de l’intéressement. En revanche, il continue à bénéficier du véhicule de fonction dont il a l’usage dans sa vie personnelle, ou du logement de fonction.

Si le salarié est titulaire d’un mandat de représentant du personnel, celui-ci peut continuer à exercer son mandat au sein de l’entreprise pendant la mise à pied, et les heures de délégation doivent lui être payées.


La géolocalisation des véhicules des salariés

Le recours à un dispositif de géolocalisation d’un salarié itinérant pour contrôler sa durée de travail n’est licite que si :

  • Le salarié ne dispose pas d’une liberté d’organiser son travail,
  • L’employeur n’a pas d’autre moyen d’effectuer ce contrôle (par exemple documents déclaratifs du salarié, données laissées par le salarié sur un programme informatique).

En revanche, le dispositif de géolocalisation installé sur un véhicule professionnel ne doit pas être utilisé pour localiser un salarié en dehors de son temps de travail. Il s’agit alors d’une atteinte importante à son droit à une vie personnelle, disproportionné par rapport au but poursuivi (Cass. soc., 22 mars 2023, n° 21-22.852).

Dans tous les cas, les conditions relatives à tout dispositif de surveillance doivent être observées :

  • Le dispositif ne doit pas apporter de restriction aux droits et libertés des salariés qui ne soit pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.
  • Information du salarié préalablement à la mise en place du dispositif de contrôle,
  • Information et consultation préalables du CSE,
  • Conformité au RGPD en cas de traitement de données personnelles.


Prime de bienvenue (Golden Hello) : possible de subordonner son versement à une condition de présence

Dans cette affaire, le contrat de travail prévoyait le versement dans les 30 jours de l’entrée en fonction du salarié d’une prime de bienvenue d’un montant de 150.000 €, mais que ce dernier devrait rembourser partiellement en cas de démission dans les 36 mois de sa prise de fonction.

Le salarié avait démissionné avant cette échéance et l’employeur lui avait demandé le remboursement partiel, ce que le salarié avait refusé.

La Cour d’appel avait considéré que l’employeur ne pouvait subordonner l’octroi définitif de la prime initiale versée au salarié à la condition que ce dernier ne démissionne pas à une date postérieure à son versement, dès lors que cette condition, qui avait pour effet de fixer un coût à la démission, portait ainsi atteinte à la liberté de travailler du salarié.

La Cour de cassation censure cet arrêt en énonçant qu’une telle clause, dont l’objet est de fidéliser le salarié peut, sans porter une atteinte à la liberté du travail, subordonner l’acquisition de l’intégralité d’une prime d’arrivée à une condition de présence de ce dernier dans l’entreprise pendant une certaine durée après son versement et prévoir le remboursement de la prime au prorata du temps que le salarié, en raison de sa démission, n’aura pas passé dans l’entreprise avant l’échéance prévue.

Cass. soc., 11 mai 2023, n° 21-25.136


Inaptitude : ce que vous devez savoir !

Lorsque le salarié est déclaré inapte lors de la visite de reprise, l’employeur doit d’abord chercher à le reclasser l’intéressé dans un autre emploi adapté à ses nouvelles capacités, sauf dispense expresse donnée par le médecin du travail. Dans ce cadre, l’employeur doit solliciter, préalablement, l’avis du CSE.

Si le reclassement est impossible, il doit le notifier par écrit au salarié, avant même d’engager une procédure de rupture du contrat.

En cas de reclassement envisageable :

– L’employeur doit proposer au salarié un emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail.

– L’emploi de reclassement est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutation, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

En cas de refus du salarié du poste proposé, l’employeur doit en tirer les conséquences, soit en lui faisant de nouvelles propositions de reclassement, soit, en cas d’impossibilité, en procédant à son licenciement.

A défaut de reclassement ou de licenciement à l’issue du délai d’un mois à compter de la date de la visite de reprise, l’employeur doit reprendre le versement du salaire.

En cas de rupture du contrat, la lettre de licenciement doit mentionner l’inaptitude physique et l’impossibilité de reclassement.

Inaptitude d’origine non professionnelle : versement de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ; pas d’indemnité compensatrice de préavis.

Inaptitude d’origine professionnelle : versement d’une indemnité spéciale de licenciement égale au double de l’indemnité légale minimale de licenciement ; versement d’une indemnité compensatrice de préavis.

 


La faute inexcusable de l’employeur

Il y a faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Cette notion intervient lorsque, déclaré inapte à la suite d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle, le salarié souhaite faire reconnaître l’inaction de son employeur dans la prévention des risques au sein de l’entreprise.

En présence d’une faute inexcusable de l’employeur, la victime peut percevoir une indemnisation complémentaire : celle-ci a droit à une majoration de sa rente ou de son capital alloué, calculée en fonction de la réduction de capacité dont celle-ci est atteinte. La majoration de la rente doit être fixée à son maximum. La victime peut obtenir également réparation de certains préjudices (souffrances physiques et morales, préjudice esthétique, d’agrément, etc.).

Exemples de fautes inexcusables :

– Recours à une manutention manuelle comportant des risques en raison de la charge ou des conditions ergonomiques défavorables,
– Travail sur une machine privée de dispositif de sécurité,
– Connaissance des troubles musculo-squelettiques du salarié, mais absence d’aménagement du poste ou de proposition d’un autre poste, alors que le poste consiste dans des travaux répétitifs.
– Exposition du salarié à une substance inscrite sur un tableau comme susceptible de provoquer des maladies professionnelles.


Quand une condamnation pour agression sexuelle dans la vie privée entraîne un licenciement.

Le salarié, qui exerçait les fonctions de vigneron tractoriste, était par ailleurs, dans la même ville, entraîneur de football, activité dans le cadre de laquelle il a été déclaré coupable d’agression sexuelle sur mineur.

Lors de son retour dans l’entreprise après son incarcération, une quarantaine de salariés a manifesté son refus de travailler avec lui et, le lendemain, les salariés ont de nouveau manifesté leur désaccord avec le retour de l’intéressé, n’hésitant pas à faire grève pour être entendus par leur employeur.

L’employeur l’a alors licencié en raison du trouble causé par son retour dans l’entreprise.

Les juridictions successives ont considéré que la condamnation pénale du salarié avait créé un trouble objectif au bon fonctionnement de l’entreprise et justifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse. Cass. soc., 13 avril 2023, 22-10.476

Il s’agit d’une illustration du principe jurisprudentiel selon lequel, si, en principe, il ne peut être procédé à un licenciement pour un fait tiré de la vie privée, il en va autrement lorsque le comportement de celui-ci a créé un trouble caractérisé au sein de l’entreprise.