Actualité droit social

Prise d’acte de la rupture : pas besoin de mise en demeure préalable.

Aux termes de l’article 1226 du code civil, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable. La mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat. Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent. Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution.

Par un avis en date du 3 avril 2019, la Cour de cassation est venue précise que les modes de rupture du contrat de travail sont régis par des règles particulières, de sorte que l’article 1226 du code civil ne leur sont pas applicables.

Avis n° 15003 du 3 avril 2019 – Chambre sociale (Demande d’avis n° F 19-70.001)


Un EHPAD de Doubs objet d’une enquête de l’ARS et d’une action en justice

La fille d’une patiente nonagénaire, résidente dans un EHPAD du Larmont à Doubs avait contacté l’Agence Régionale de Santé (ARS) de Bourgogne Franche-Comté car elle s’étonnait des conditions dans lesquelles sa mère était décédée.

L’ARS a ouvert une enquête administrative et pratiqué une inspection courant décembre 2018, avant de saisir la justice. Une enquête a été ouverte pour homicide involontaire par le parquet de Besançon. L’enquête menée a dévoilé deux constats inquiétants : un taux de décès plus important que la moyenne nationale au sein de cet Ehpad et une consommation inhabituelle de midalozam, substance permettant une sédation profonde. Ce médicament est utilisé dans les blocs opératoires dans le cadre de l’anesthésie. C’est également un médicament administré à l’hôpital et par des équipes de soins palliatifs. En principe, ce produit ne doit pas être utilisé de façon autonome dans un Ehpad car à partir d’une certaine dose, il provoque le décès.


Merck/ Lévothyrox : jugement en faveur du laboratoire

Le tribunal de grande instance de Lyon (chambre civile) a rendu le 5 mars 2019 un jugement énonçant qu’aucune une faute délictuelle du laboratoire n’est établie en l’espèce. Selon le tribunal, ce dernier a travaillé en étroite collaboration avec les autorités sanitaires françaises afin que son médicament, le Lévothyrox, puisse être autorisé à la distribution au public.

Cette décision est le résultat d’une action collective déposée par plus de 4000 plaignants à la suite de l’introduction sur le marché de la nouvelle formule du Lévothyrox à compter de 2017.

Le tribunal légitime par ailleurs son maintien sur le marché français car il considère que « la qualité et la valeur thérapeutique du médicament étaient « certaines » et que la notice relative aux informations dudit médicament était « suffisamment précise et pertinente ».

Les plaignants contestaient le bien-fondé de ces informations en invoquant l’occurrence d’effets secondaires nuisibles au quotidien (maux de tête, vertige, etc.).

Une équipe de scientifiques de l’université de Toulouse a publié le 4 avril 2019 une nouvelle étude sur la nouvelle formule du Levothyrox, publiée dans la revue Clinical Pharmacokinetics Selon ces chercheurs, il existe bel et bien des différences entre l’ancien et le nouveau Levothyrox.


Une formule générale dans un acte de rupture du contrat ne vaut pas renonciation à la clause de non-concurrence

Les parties avaient signé un protocole d’accord de rupture conventionnelle stipulant, selon une formule générale, que le salarié se déclarait rempli de l’intégralité des droits pouvant résulter de la formation, l’exécution et la rupture du contrat de travail et plus largement de toute relation de fait ou de droit ayant existé entre les parties, sans viser spécifiquement la renonciation à la clause de non-concurrence.

La Cour de cassation énonce que la renonciation par l’employeur à l’obligation de non concurrence ne se présume pas et ne peut résulter que d’actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer, ce qui n’était pas le cas de l’acte en cause.

Cass. soc. 6-2-2019 n° 17-27188


Ne dispense pas le praticien de son obligation d’information le fait que l’accouchement soit un évènement naturel et non un acte de soin

Dans cette affaire, la patiente avait donné naissance par voie basse à un enfant au sein d’une clinique, l’accouchement ayant été déclenché et réalisé par le gynécologue obstétricien d’astreinte, exerçant à titre libéral.

L’enfant a conservé des séquelles liées à une atteinte du plexus brachial.

Les parents ont assigné le praticien en responsabilité et indemnisation en se prévalant de différentes fautes dans la conduite de l’accouchement et d’un défaut d’information. Le praticien a été condamné à réparer l’ensemble des préjudices consécutifs à l’absence fautive de réalisation d’une césarienne malgré une macrosomie fœtale.

Sur l’obligation d’information, la Cour d’appel avait écarté toute réparation à ce titre, en considérant que l’affaire en cause concerne non pas un acte de soins qui aurait été pratiqué sans le consentement éclairé de la patiente, mais un accouchement par les voies naturelles en présence d’une macrosomie foetale et qu’était seule légalement due à la patiente une information sur les modalités du déclenchement de l’accouchement.

Cet arrêt est cassé, la Cour de cassation estimant que la circonstance que l’accouchement par voie basse constitue un événement naturel et non un acte médical ne dispense pas le professionnel de santé de l’obligation de porter, le cas échéant, à la connaissance de la femme enceinte les risques qu’il est susceptible de présenter eu égard notamment à son état de santé, à celui du foetus ou à ses antécédents médicaux, et les moyens de les prévenir ; qu’en particulier, en présence d’une pathologie de la mère ou de l’enfant à naître ou d’antécédents médicaux entraînant un risque connu en cas d’accouchement par voie basse, l’intéressée doit être informée de ce risque ainsi que de la possibilité de procéder à une césarienne et des risques inhérents à une telle intervention.

La Cour de cassation ajoute que le défaut d’information cause à celui auquel l’information est due, quand le risque se réalise, un préjudice moral distinct des atteintes corporelles subies. Ce préjudice moral s’analyse en un défaut de préparation à l’éventualité que ce risque survienne.

Civ. 1re, 23 janv. 2019, n° 18-10706


Licenciement abusif : de nombreux conseils de prud’hommes jugent le barème d’indemnités contraire aux normes internationales

Nombreux sont maintenant les conseils de Prud’hommes ayant invalidé le barème d’indemnité pour licenciement abusif résultant des ordonnances entrées en vigueur le 24 septembre 2017 (article L. 1235-3 du Code du travail) : Troyes (13 déc. 2018), Lyon (21 déc. 2018), Amiens (19 déc. 2018), Grenoble (18 janv. 2019) Agen (5 févr. 2019), Paris (22 nov. 2018), Bordeaux (9 avril 2019).

Ces décisions se fondent notamment sur les textes suivants :

– L’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT sur le licenciement, ratifiée par la France le 16 mars 1989, dont le Conseil d’Etat a confirmé l’effet direct (CE Sect., 19 octobre 2005, CGT et a., n° 283471), qui stipule que si les tribunaux « arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».

– L’article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996, ratifiée par la France le 7 mai 1999, qui est également d’effet direct (CE, 10 février 2014, M. Fischer, n° 359892), qui a repris ce même principe dans les termes suivants :

« En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître (…) :
b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée. »

Se fondant sur ces textes, les conseillers prud’homaux ont considéré que le mécanisme de barème français énoncé à l’article L. 1235-1 du Code du travail ne permet pas de s’assurer que le salarié pourra recevoir l’indemnisation intégrale des préjudices subis, et ont octroyé au salarié une indemnité supérieure à celle prévue par le barème.