Actualité droit social

Licenciement économique : des pertes d’exploitation sur 3 ans ne suffisent pas à caractériser automatiquement des difficultés économiques.

Depuis 2016, les difficultés économiques doivent être caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Contrairement à ce qu’elle prévoit pour la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, la loi n’exige pas de condition temporelle pour établir l’existence de difficultés économiques résultant de pertes d’exploitation ou d’une dégradation de la trésorerie ou de l’EBE ; elle exige seulement une « évolution significative » de ces indicateurs.

Dans cette affaire, pour justifier la suppression des postes de 5 salariés, la société invoquait l’existence de pertes d’exploitation sur 3 années successives, nonobstant un chiffre d’affaires en hausse.

Si la Cour d’appel avait validé le licenciement, la Cour de cassation a cassé cet arrêt en considérant que celle-ci n’avait pas recherché si l’évolution de cet indicateur économique retenu était significative, c’est-à-dire si ces pertes étaient sérieuses et durables.

Cass. soc., 18 oct. 2023 n° 22-18.852


Licenciement économique : le registre d’entrée et de sortie du personnel, pièce essentielle pour prouver l’impossibilité de reclassement.

Un salarié contestait son licenciement en arguant notamment du non-respect de l’obligation de reclassement.

Les juges d’appel avaient en effet considéré que l’employeur produisait seulement un procès-verbal du comité de direction, qui ne lui permettait pas de s’assurer qu’il avait loyalement rempli son obligation de reclassement.

Or, la Cour de cassation relève que le bordereau de communication de pièces faisait état du registre d’entrée et de sortie du personnel produit par l’employeur. L’arrêt d’appel est cassé pour ne pas avoir analysé cette pièce essentielle.

Cass. soc., 18 oct. 2023 n° 21-24.014


L’employeur peut-il se prévaloir d’images issues d’un compte privé d’un réseau social ?

Une infirmière exerçant au service d’accueil des urgences de nuit d’un hôpital avait été licenciée pour avoir participé à des soirées arrosées au temps et lieu de travail.

Elle contestait la recevabilité de certaines preuves, comme des photos et vidéos d’elle en maillot de bain sur son lieu de travail partagées sur un groupe Messenger.

La cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, a cependant considéré que la production des photographies extraites ce compte, portaient certes atteinte à la vie privée de la salariée, mais était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, à savoir la défense de l’intérêt légitime de l’employeur à la protection des patients, confiés aux soins des infirmières.

Ainsi, pour la Cour de cassation, l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats : le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

Cass. soc., 4 oct. 2023, n° 21-25.452


Depuis le 1er novembre, obligation d’information des salariés en CDD, sur les postes en CDI à pourvoir.

A la demande du salarié titulaire d’un CDD ayant une ancienneté continue d’au moins 6 mois dans l’entreprise, l’employeur doit l’informer des postes en CDI à pourvoir au sein de l’entreprise (loi 2023-171 du 9 mars 2023 et décret 2023-1004 du 30 octobre 2023).

L’employeur doit fournir cette information dans le mois de la demande du salarié.

S’agissant des salariés intérimaires, la même obligation d’information pèse sur l’entreprise utilisatrice en cas d’ancienneté continue d’au moins 6 mois au sein de cette dernière.

Les articles L 1242-7 et L 1251-25 du Code du travail, dans leur rédaction antérieure, prévoyaient déjà une obligation d’information des salariés en CDD et des intérimaires. Cependant, cette information était collective et ne supposait donc pas une certaine ancienneté de la part des salariés en CDD ou intérimaires, ni de demande de leur part. En outre, elle était subordonnée à l’existence, dans l’entreprise, du même dispositif pour les salariés en CDI.


La clause de mobilité

La clause de mobilité sert à 𝗶𝗺𝗽𝗼𝘀𝗲𝗿 au salarié une 𝗺𝘂𝘁𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻.

Elle doit :
– définir de façon 𝗽𝗿𝗲́𝗰𝗶𝘀𝗲 sa 𝘇𝗼𝗻𝗲 𝗴𝗲́𝗼𝗴𝗿𝗮𝗽𝗵𝗶𝗾𝘂𝗲 d’application. Mais une clause visant « tout le territoire national » est valable car suffisamment précise.
– être rédigée de telle sorte qu’elle 𝗻𝗲 𝗱𝗼𝗻𝗻𝗲 𝗽𝗮𝘀 à l’employeur le 𝗽𝗼𝘂𝘃𝗼𝗶𝗿 𝗱’𝗲𝗻 𝗲́𝘁𝗲𝗻𝗱𝗿𝗲 𝘂𝗻𝗶𝗹𝗮𝘁𝗲́𝗿𝗮𝗹𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗹𝗮 𝗽𝗼𝗿𝘁𝗲́𝗲. Il faut donc bannir les formules du type « Le secteur pourra être étendu en cas d’extension d’activité ».

Le 𝗿𝗲𝗳𝘂𝘀 par le salarié d’une mutation en application de la clause de mobilité peut fonder un 𝗹𝗶𝗰𝗲𝗻𝗰𝗶𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 pour faute, voire faute grave.

En revanche, le salarié pourra légitiment 𝗿𝗲𝗳𝘂𝘀𝗲𝗿 la mutation proposée :
– Si celle-ci s’accompagne d’une 𝗺𝗼𝗱𝗶𝗳𝗶𝗰𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 du contrat : modification de la rémunération, passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit…
– Si la clause est mise en œuvre de 𝗺𝗮𝘂𝘃𝗮𝗶𝘀𝗲 𝗳𝗼𝗶 ou qu’elle n’est pas justifiée par 𝗹’𝗶𝗻𝘁𝗲́𝗿𝗲̂𝘁 𝗱𝗲 𝗹’𝗲𝗻𝘁𝗿𝗲𝗽𝗿𝗶𝘀𝗲. Ex. : en cas de mutation sur un site distant de plus de 150 km alors que l’employeur connaissait les difficultés matérielles du salarié et le mauvais état de son véhicule.
– En cas 𝗱’𝗮𝘁𝘁𝗲𝗶𝗻𝘁𝗲 disproportionnée à la 𝘃𝗶𝗲 𝗽𝗲𝗿𝘀𝗼𝗻𝗻𝗲𝗹𝗹𝗲 𝗲𝘁 𝗳𝗮𝗺𝗶𝗹𝗶𝗮𝗹𝗲 du salarié. Ex : mutation dans Drôme d’un salarié parisien pendant une année, impliquant son éloignement de son épouse avec son enfant de 3 ans et celui à naître.
– En cas de 𝗱𝗲́𝗹𝗮𝗶 𝗱𝗲 𝗽𝗿𝗲́𝘃𝗲𝗻𝗮𝗻𝗰𝗲 𝗶𝗻𝘀𝘂𝗳𝗳𝗶𝘀𝗮𝗻𝘁.
– S’il est salarié 𝗽𝗿𝗼𝘁𝗲́𝗴𝗲́.

Attention à bien consulter la 𝗰𝗼𝗻𝘃𝗲𝗻𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗰𝗼𝗹𝗹𝗲𝗰𝘁𝗶𝘃𝗲 et le 𝗿𝗲̀𝗴𝗹𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗶𝗻𝘁𝗲́𝗿𝗶𝗲𝘂𝗿 qui peuvent contenir des stipulations impératives sur les conditions ou la mise en œuvre de la clause.


Les limites à l’insolence du salarié

Est nul le licenciement prononcé, même en partie, en raison de l’exercice, par le salarié, de sa liberté d’expression.

Pour la Cour de cassation, si les propos en cause ne sont pas injurieux, diffamatoires ou excessifs, il n’y a pas abus de la liberté d’expression.

La Cour d’appel avait conclu à un abus de la liberté d’expression, car la salariée avait :

– manifesté un désaccord persistant malgré l’accord d’entreprise concernant les congés et les nombreuses réponses claires de l’employeur pour l’expliquer, ce qui a eu un impact sur le fonctionnement de la société,
– posé des ultimatums à son supérieur hiérarchique et qualifié les réponses de son président comme étant « de grandes réticences et incompréhensions »,
volontairement refusé d’appliquer l’organisation en revendiquant des droits pour prendre ses congés non prévus dans l’accord d’entreprise, et ce de manière récurrente et insistante.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en énonçant que la cour d’appel s’était abstenue de caractériser en quoi les propos du salarié avaient été injurieux, diffamatoires ou excessifs, posant en ces termes les limites à la liberté d’expression.

Cass. soc., 11 oct. 2023, n° 22-15.138