Actualité droit social

Le coemploi : quand la société mère devient responsable…

Imaginez : vous travaillez au sein d’une filiale, mais au fil du temps, ce n’est plus seulement votre société qui décide de votre quotidien : la société mère s’immisce dans les choix stratégiques, la gestion du personnel, jusqu’à parfois dicter la moindre décision…

Et si, dans ce contexte, elle devenait aussi responsable de vos droits de salarié ? 🤔

Bienvenue dans la réalité du coemploi, un concept juridique parfois méconnu, mais ô combien protecteur pour les salariés des groupes !

La jurisprudence exige que la société mère intervienne de façon permanente et anormale dans la gestion économique et sociale de la filiale, la privant ainsi de toute autonomie. Cass. soc., 23 nov. 2022, n° 20-23.206

👀Attention, il s’agit d’une situation exceptionnelle, quand la filiale a réellement perdu toute autonomie. La simple influence ou la politique de groupe ne suffisent pas !

La notion de coemploi permet aux salariés de :

📍Rendre la société mère solidairement responsable des indemnités dues par la filiale à ses salariés. Utile en cas de difficultés économiques de la filiale

📍Apprécier la validité du plan de sauvegarde de l’emploi au niveau de la société mère

📍Etendre l’obligation de reclassement au niveau de la société mère.

📍En cas de litige international, de déterminer la compétence du tribunal français et l’application de la loi française.


Etat psychique altéré : les faits reprochés au salarié ne lui sont pas imputables.

Il était reproché au salarié d’avoir adressé à une collègue des messages menaçants et insultants, de manière répétée, le 28 février 2019.

Il a été mis à pied à titre conservatoire le 1er mars 2019 et convoqué à un entretien préalable au licenciement, fixé au 15 mars, puis reporté au 25 mars 2019.

Le 17 mars 2019, il a été hospitalisé à la suite d’une décompensation psychotique.

Il a ensuite été licencié pour faute grave le 29 mars 2019.

La Cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, a invalidé le licenciement au motif que le salarié se trouvait, au moment des faits reprochés, dans un état psychique fortement altéré pouvant obérer ses facultés de discernement quant au caractère répréhensible de son comportement.

Cass. Soc., 5 mars 2025, 23-50.022


Démission présumée : en cas de salarié protégé, l’autorisation de l’inspection du travail est requise.

Dans cette affaire, après deux demandes d’autorisation de licencier refusées par l’inspection du travail, un salarié protégé ne réintègre pas son poste.

L’employeur emprunte alors la procédure de démission présumée de l’article L 1237-1-1 du Code du travail et met le salarié en demeure de justifier son absence ou de reprendre le travail, et lui indique qu’à défaut de justification légitime, il pourrait être considéré comme démissionnaire.

Le salarié répond qu’il ne souhaite pas démissionner mais ne réintègre pas son poste. L’employeur lui notifie alors qu’il est réputé démissionnaire depuis le terme du délai de 15 jours qui lui était imparti.

Même si la Cour d’appel écarte les motifs avancés par le salarié pour justifier son absence, elle considère cependant que la 𝗿𝘂𝗽𝘁𝘂𝗿𝗲 du contrat de travail est 𝗻𝘂𝗹𝗹𝗲 car, l’employeur étant à 𝗹’𝗶𝗻𝗶𝘁𝗶𝗮𝘁𝗶𝘃𝗲 de la rupture, il aurait dû 𝘀𝗼𝗹𝗹𝗶𝗰𝗶𝘁𝗲𝗿 𝗹’𝗮𝘂𝘁𝗼𝗿𝗶𝘀𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 de l’inspection du travail.

CA Paris 6-3-2025 no 24/02319


Une clause imposant un déplacement hors du bassin d’emploi est-elle valide ?

Dans cette affaire, un charpentier avait refusé une affectation sur un chantier situé hors du bassin grenoblois, alors qu’aux termes de son contrat de travail, il s’était engagé à effectuer tout déplacement entrant dans le cadre de ses fonctions. Il avait alors été licencié.

La Cour d’appel avait invalidé le licenciement.

La Cour de cassation casse cet arrêt en énonçant que le contrat stipulait expressément que le salarié s’engageait à effectuer tout déplacement entrant dans le cadre de ses fonctions et que le déplacement refusé par le salarié s’inscrivait dans le cadre habituel de son activité de charpentier.

Elle précise qu’un déplacement occasionnel peut être imposé à un salarié lorsque :

  • il s’inscrit dans le cadre habituel de son activité,
  • il est justifié par l’intérêt de l’entreprise,
  • le salarié a été prévenu dans un délai raisonnable et a été informé de la durée prévisible de la mission.

Cass. soc. 29 janv. 2025 n° 23-19.263


Reclassement après inaptitude d’origine pro : en l’absence de poste à proposer, faut-il quand même consulter le CSE ?

Dans cette affaire, un salarié avait été déclaré inapte à la suite d’un accident du travail. L’employeur n’ayant identifié aucun poste de reclassement, l’avait alors licencié pour inaptitude en consultant le CSE le jour de l’envoi de la lettre de licenciement.

La Cour d’appel avait validé le licenciement, estimant qu’en l’absence de proposition de reclassement, l’employeur n’était pas tenu de procéder à une consultation des représentants du personnel et que par suite, la tardiveté de la consultation de ceux-ci était sans incidence sur la régularité de la procédure de licenciement.

La Cour de cassation casse cet arrêt en rappelant qu’en application de l’article L. 1226-10 du code du travail, l’employeur doit consulter les représentants du personnel sur les possibilités de reclassement avant d’engager la procédure de licenciement,

Cass. soc., 5 mars 2025, 23-13.802


Offre de reclassement : attention aux mentions impératives !

Après la Cour de cassation, le Conseil d’Etat se prononce à son tour sur ce point !

Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque le reclassement du salarié ne peut être opéré (art. L. 1233-4 C. trav.)

Selon l’art. D. 1233-2-1, alinéa II, du C. trav., les offres de reclassement doivent préciser :

– L’intitulé du poste et son descriptif

– Le nom de l’employeur

– La nature du contrat de travail

– La localisation du poste

– Le niveau de rémunération

– La classification du poste

Dans cette affaire, la liste des offres, diffusée à l’ensemble des salariés par courriel et actualisée tous les quinze jours, indiquait pour chacun des postes les éléments suivants : famille métier, libellé du poste (responsable magasin, commercial itinérant, comptable, technicien de maintenance), salaire de base brut annuel et existence ou non d’une rémunération variable, type de contrat (CDI ou CDD), catégorie (employé, agent de maitrise ou cadre), nom de la société et ville.

Manquaient donc les informations suivantes : le descriptif et la classification des postes.

Le Conseil d’Etat casse l’arrêt d’appel en énonçant que l’offre de reclassement doit comporter toutes les mentions prévues au II de l’article D. 1233-2-1.

CE 2 déc. 2024 n° 488033

La Cour de cassation a récemment statué dans le même sens (Cass. soc., 23 oct. 2024, 23-19.629)


Un salarié peut-il être joint sur son téléphone personnel pendant ses heures de repos ?

Dans cette affaire, était en cause l’annulation d’avertissements reprochant au salarié de s’être présenté à l’entreprise au retour de jours de repos sans avoir sollicité, la veille de son retour, des informations sur l’organisation du travail, ni répondu aux textos et appels de l’employeur à cet effet.

La Cour d’appel avait validé ces avertissements, mais la Cour de cassation casse cet arrêt en énonçant que le fait de n’avoir pu être joint en dehors des horaires de travail sur son téléphone portable personnel est dépourvu de caractère fautif et ne permet donc pas de justifier une sanction disciplinaire.

Ainsi, au titre du droit à la déconnexion, il ne peut être reproché au salarié de joindre l’employeur ou d’être joint par ce dernier sur son téléphone pendant ses heures de repos, même s’il s’agit de l’organisation de la journée de travail du lendemain.

Cass. soc., 9 oct. 2024, n° 23-19.063


Bien réagir en cas de modification de votre contrat de travail

N’oubliez pas que vous êtes alors en position de force !

Contrairement à un changement des simples conditions de travail, un changement de votre contrat de travail est soumis à votre accord.

Il s’agit de la modification des éléments essentiels de la relation de travail, que ceux-ci figurent ou non d’ailleurs dans le contrat de travail. Quelques exemples :

– Modification de la rémunération ou son mode de calcul (fixe ou variable),
– Changement de la durée du travail,
– Mutation géographique vers un secteur géographique différent, hors clause de mobilité valable,
– Mutation professionnelle lorsqu’il s’agit d’une modification de la qualification, de la nature des fonctions,
– Adjonction ou la modification de clauses du contrat de travail, quelle qu’elles soient.
– Modification de ce qui est stipulé dans le contrat de travail, y compris les éléments qui, s’ils n’y figuraient pas, relèveraient des simples conditions de travail.

Votre consentement exprès est alors nécessaire. La seule poursuite de la relation de travail aux nouvelles conditions, même pendant plusieurs années, ne vaut pas acceptation !

Si vous refusez une telle modification, l’employeur a le choix entre renoncer à la modification et poursuivre le contrat aux conditions initiales, ou bien procéder à votre licenciement.

Votre employeur doit impérativement mentionner dans la lettre de licenciement, en plus du refus du salarié, les raisons impérieuses qui l’ont poussé à modifier le contrat, à défaut de quoi le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Et la bonne foi doit être de mise !

Mais attention : le motif de la modification peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. N’est donc pas forcément injustifié un licenciement intervenu à la suite d’un refus de la modification du contrat de travail.

A noter qu’en cas de modification pour motif économique, l’employeur doit consulter les représentants du personnel, sauf modification individuelle. Il doit ensuite proposer à chaque salarié la modification projetée par lettre recommandée avec avis de réception, en lui précisant qu’il dispose d’un délai d’un mois pour faire connaître son refus. A défaut de refus, le salarié est réputé avoir accepté la modification (art. L. 1222-6 du Code du travail).


Quand la seule inaction de l’employeur caractérise une discrimination.

Dans cette affaire, le salarié avait écrit à son employeur pour se plaindre de propos racistes à son endroit tenus depuis des mois par ses supérieurs hiérarchiques sur son lieu de travail, que l’un d’entre eux saluait tout le monde sauf lui, etc.

La Cour d’appel n’avait pas prononcé la nullité du licenciement, considérant que le salarié ne soutenait pas avoir fait l’objet de mesures discriminatoires. Le salarié ne se plaignait pas en effet d’avoir été sanctionné, ni subi de mesures défavorables en termes de rémunération ou de promotion, ni licencié, etc., mais dénonçait l’inaction de l’employeur à la suite de ses signalements relatifs à des comportements racistes.

La Cour de cassation casse cet arrêt en énonçant que le salarié présentait des éléments de fait relatifs à des agissements discriminatoires, et qu’il appartenait en conséquence à l’employeur de justifier ces actes par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Cass. soc. 14 nov. 2024 no 23-17.917


Comment réagir en cas d’inaptitude liée aux agissements de l’employeur ?

Vous avez été licencié(e) pour inaptitude, mais celle-ci est en réalité liée au agissements de l’employeur : le licenciement peut être invalidé.

Est en effet dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu’il est démontré que l’inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée.

Lorsque ces agissements peuvent être qualifiés de harcèlement moral, le licenciement peut même être déclaré nul, ce qui conduit à écarter le barème Macron : doit alors être versée une indemnité égale au minimum à 6 mois de salaire, quelle que soit votre ancienneté.

Seule contrainte : ces manquements doivent être prouvés et, dans l’idéal, avoir fait l’objet d’un signalement de votre part auprès de l’employeur.