Dans cette affaire, était en cause l’annulation d’avertissements reprochant au salarié de s’être présenté à l’entreprise au retour de jours de repos sans avoir sollicité, la veille de son retour, des informations sur l’organisation du travail, ni répondu aux textos et appels de l’employeur à cet effet.
La Cour d’appel avait validé ces avertissements, mais la Cour de cassation casse cet arrêt en énonçant que le fait de n’avoir pu être joint en dehors des horaires de travail sur son téléphone portable personnel est dépourvu de caractère fautif et ne permet donc pas de justifier une sanction disciplinaire.
Ainsi, au titre du droit à la déconnexion, il ne peut être reproché au salarié de joindre l’employeur ou d’être joint par ce dernier sur son téléphone pendant ses heures de repos, même s’il s’agit de l’organisation de la journée de travail du lendemain.
Cass. soc., 9 oct. 2024, n° 23-19.063
N’oubliez pas que vous êtes alors en position de force !
Contrairement à un changement des simples conditions de travail, un changement de votre contrat de travail est soumis à votre accord.
Il s’agit de la modification des éléments essentiels de la relation de travail, que ceux-ci figurent ou non d’ailleurs dans le contrat de travail. Quelques exemples :
– Modification de la rémunération ou son mode de calcul (fixe ou variable),
– Changement de la durée du travail,
– Mutation géographique vers un secteur géographique différent, hors clause de mobilité valable,
– Mutation professionnelle lorsqu’il s’agit d’une modification de la qualification, de la nature des fonctions,
– Adjonction ou la modification de clauses du contrat de travail, quelle qu’elles soient.
– Modification de ce qui est stipulé dans le contrat de travail, y compris les éléments qui, s’ils n’y figuraient pas, relèveraient des simples conditions de travail.
Votre consentement exprès est alors nécessaire. La seule poursuite de la relation de travail aux nouvelles conditions, même pendant plusieurs années, ne vaut pas acceptation !
Si vous refusez une telle modification, l’employeur a le choix entre renoncer à la modification et poursuivre le contrat aux conditions initiales, ou bien procéder à votre licenciement.
Votre employeur doit impérativement mentionner dans la lettre de licenciement, en plus du refus du salarié, les raisons impérieuses qui l’ont poussé à modifier le contrat, à défaut de quoi le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Et la bonne foi doit être de mise !
Mais attention : le motif de la modification peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. N’est donc pas forcément injustifié un licenciement intervenu à la suite d’un refus de la modification du contrat de travail.
A noter qu’en cas de modification pour motif économique, l’employeur doit consulter les représentants du personnel, sauf modification individuelle. Il doit ensuite proposer à chaque salarié la modification projetée par lettre recommandée avec avis de réception, en lui précisant qu’il dispose d’un délai d’un mois pour faire connaître son refus. A défaut de refus, le salarié est réputé avoir accepté la modification (art. L. 1222-6 du Code du travail).
Dans cette affaire, le salarié avait écrit à son employeur pour se plaindre de propos racistes à son endroit tenus depuis des mois par ses supérieurs hiérarchiques sur son lieu de travail, que l’un d’entre eux saluait tout le monde sauf lui, etc.
La Cour d’appel n’avait pas prononcé la nullité du licenciement, considérant que le salarié ne soutenait pas avoir fait l’objet de mesures discriminatoires. Le salarié ne se plaignait pas en effet d’avoir été sanctionné, ni subi de mesures défavorables en termes de rémunération ou de promotion, ni licencié, etc., mais dénonçait l’inaction de l’employeur à la suite de ses signalements relatifs à des comportements racistes.
La Cour de cassation casse cet arrêt en énonçant que le salarié présentait des éléments de fait relatifs à des agissements discriminatoires, et qu’il appartenait en conséquence à l’employeur de justifier ces actes par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Cass. soc. 14 nov. 2024 no 23-17.917
Vous avez été licencié(e) pour inaptitude, mais celle-ci est en réalité liée au agissements de l’employeur : le licenciement peut être invalidé.
Est en effet dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu’il est démontré que l’inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée.
Lorsque ces agissements peuvent être qualifiés de harcèlement moral, le licenciement peut même être déclaré nul, ce qui conduit à écarter le barème Macron : doit alors être versée une indemnité égale au minimum à 6 mois de salaire, quelle que soit votre ancienneté.
Seule contrainte : ces manquements doivent être prouvés et, dans l’idéal, avoir fait l’objet d’un signalement de votre part auprès de l’employeur.
Les documents détenus par le salarié dans le bureau de l’entreprise mis à sa disposition, sont, sauf lorsqu’il les identifie comme étant personnels, présumés avoir un caractère professionnel, de sorte que l’employeur peut y avoir accès hors sa présence.
Dans cette affaire, était en cause la production de messages issus de la messagerie personnelle du salarié, mais se trouvant sur le bureau du salarié.
La Cour d’appel avait considéré que, puisque ces documents de trouvaient sur le bureau du salarié, donc dans les locaux professionnels, celui-ci avait pu licitement les appréhender hors la présence du salarié et leur production était en conséquence licite.
La Cour de cassation casse cet arrêt en énonçant que, comme les documents litigieux découverts par l’employeur sur le bureau du salarié provenaient de sa messagerie personnelle, de sorte qu’étant identifiés comme personnels, l’employeur ne pouvait y accéder et les appréhender hors la présence du salarié. Elle en conclut au caractère illicite de leur production.
Cass. soc., 9 octobre 2024, 23-14.465
Vous venez de faire l’objet d’un licenciement économique ? On voit ensemble les principaux points de contrôle !
1er check : Si vous avez adhéré au CSP (Contrat de Sécurisation Professionnelle), vérifiez que le motif économique a bien été porté à votre connaissance avant votre adhésion au CSP : à défaut, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
2ème check : Si des difficultés économiques sont invoquées, vérifiez notamment que :
3ème check : Vérifiez que la lettre de licenciement mentionne la suppression de votre poste.
4ème check : Si vous n’êtes pas seul dans votre catégorie professionnelle, vérifiez que les critères d’ordre des licenciements ont bien été correctement appliqués.
5ème check : Vérifiez que l’employeur a fait suffisamment d’efforts pour vous reclasser avant de vous licencier.
Les bons réflexes lorsque votre employeur vous annonce vouloir négocier votre départ…
1er réflexe : rassurez-vous ! Si votre employeur a voulu entamer des négociations, c’est qu’a priori il ne dispose pas de griefs assez solides pour pouvoir vous licencier.
Donc bonne nouvelle : vous êtes alors en position de force !
2ème réflexe : demandez à votre employeur de vous détailler sa proposition financière, notamment en lui demandant de préciser ce qui correspond au légal (indemnité prévue par la loi ou la convention collective) et au supralégal. Et surtout, à ce stade, s’il vous demande quel serait vos prétentions financières, ne lui répondez pas car cela enfermerait la négociation.
3ème réflexe : contactez votre avocat pour faire le point sur la proposition de votre employeur. Il s’agit alors de réfléchir à tous les arguments à même d’améliorer cette offre : ancienneté, conditions d’exécution du contrat comme le temps de travail, un contexte harcelant ou discriminant, une inégalité salariale, etc.
Le salarié, licencié en raison de textos injurieux pour le président, émis avec le téléphone professionnel, invoquait le caractère privé de ces messages envoyés à deux anciens salariés, ainsi que qu’au directeur d’exploitation et du fait que ces conversations n’étaient pas destinées à être rendues publiques.
La Cour de cassation énonce cependant que les messages litigieux, qui bénéficiaient d’une présomption de caractère professionnel pour avoir été envoyés par le salarié au moyen du téléphone professionnel et dont le contenu était en rapport avec son activité professionnelle, ne revêtaient pas un caractère privé, peu important que ces échanges ne fussent pas destinés à être rendus publics. La production de ces échanges est donc validée.
Cass. soc. 11 déc. 2024, n° 23-20.716
En décembre 2023, la Cour de cassation a opéré un revirement important sur la preuve, alignant la position en matière civile tant avec le droit européen qu’avec le droit pénal (Cass., Ass. plénière, 22 déc. 2023, n° 20-20.648).
Jusqu’alors, étaient écartées systématiquement des débats les preuves déloyales (obtenues à l’insu) ou illicites (vidéosurveillance en dehors des conditions légales par exemple).
La Cour de cassation énonce maintenant que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits, comme le droit au respect de la vie privée, à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
En principe, l’accès par l’employeur, hors la présence du salarié, aux fichiers contenus dans des clés USB personnelles, qui ne sont pas connectées à l’ordinateur professionnel, constitue une atteinte à la vie privée du salarié.
Mais dans cette affaire, l’employeur :
– démontrait qu’il avait agi de manière proportionnée afin d’exercer son droit à la preuve, dans le seul but de préserver la confidentialité de ses affaires : il montrait qu’il existait des raisons concrètes qui justifiaient le contrôle effectué sur les clés USB, au regard du comportement de la salariée,
– s’était borné à produire les données strictement professionnelles reproduites dans la clé USB après le tri opéré par l’expert qu’il avait mandaté à cet effet, en présence d’un huissier de justice, les fichiers à caractère personnel n’ayant pas été ouverts par l’expert et ayant été supprimés de la copie transmise à l’employeur.
La Cour de cassation valide en conséquence la production en justice des fichiers issus de la clé USB personnelle.
Cass. soc., 25 sept. 2024 n°23-13.992
Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque le reclassement du salarié ne peut être opéré (art. L. 1233-4 C. trav.)
Selon l’art. D. 1233-2-1, alinéa II, du C. trav., les offres de reclassement précisent :
– L’intitulé du poste et son descriptif
– Le nom de l’employeur
– La nature du contrat de travail
– La localisation du poste
– Le niveau de rémunération
– La classification du poste
La salariée avait reçu une offre de reclassement libellée ainsi : « un poste de magasinière à [Localité] avec reprise de votre ancienneté et au même niveau de rémunération »,
Cette offre de reclassement ne comportant ni le nom de l’employeur, ni la classification du poste, ni la nature du contrat de travail, les juridictions successives ont considéré qu’elle n’était pas suffisamment précise.
La sanction est lourde puisque le licenciement est alors sans cause réelle et sérieuse.
Cass. soc., 23 oct. 2024, 23-19.629
Dismissal concept. Dropping off puzzle piece.