Actualité droit social

Frais de transport : l’éloignement géographique ne peut justifier un refus de remboursement des transports en commun.

Face à l’essor du télétravail et à la volonté des salariés d’habiter loin de leur lieu de travail, l’employeur (une grande banque) avait considéré que le remboursement des frais de transport ne pouvait être assuré dans les mêmes conditions qu’auparavant et avait fixé un critère géographique : justifier d’une durée de transport Paris-province inférieure à 4 heures par jour aller-retour.

Cependant, les articles L 3261-2 et R 3261-1 du Code du travail prévoient que l’employeur doit prendre en charge 50 % du coût des titres d’abonnement souscrits pas ses salariés pour les déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail accomplis au moyen de transports publics de personnes ou de services publics de location de vélo. Un usage au sein de l’entreprise prévoyait en outre une prise en charge par l’employeur à hauteur de 60 % du coût des titres de transport.

Le tribunal judiciaire a considéré que le critère géographique contrevenait à la liberté de l’établissement de son domicile au lieu de son choix et a par conséquent condamné l’employeur à respecter l’obligation de remboursement des frais de transport conformément au Code du travail et à l’usage interne (60 %) sans faire de distinction en raison de l’éloignement de la résidence habituelle des salariés.

TJ Paris du 5-7-2022 n° 22/04735


La reprise du travail au cours de la mise à pied conservatoire n’a pas pour effet de requalifier celle-ci en mise à pied disciplinaire.

Dans cette affaire, l’employeur avait, par courrier du 18 avril 2016, convoqué le salarié à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 3 mai 2016, en même temps qu’elle lui notifiait sa mise à pied conservatoire. Le salarié a néanmoins repris le travail dès le 21 avril 2016. Il a ensuite été licencié pour faute grave le 24 mai suivant.

La Cour d’appel avait considéré qu’ayant été interrompue par la reprise du travail pour le compte de l’employeur, la mise à pied devait être requalifiée en mise à pied disciplinaire et que le licenciement ne pouvait donc pas être justifié par les faits ainsi déjà sanctionnés.

La Cour de cassation énonce cependant que le fait pour l’employeur de renoncer à la mise à pied conservatoire, en demandant au salarié de reprendre le travail, n’a pas pour effet de requalifier la mesure en mise à pied disciplinaire. Cela ne l’empêche pas non plus de notifier un licenciement dont la procédure avait été engagée dans le même temps que la mise à pied.

Il faut préciser cependant que la faute grave, supposant impossible le maintien même temporaire du contrat de travail, semble pouvoir être difficilement validée dans ce contexte.

Cass. soc. 18 mai 2022 n° 20-18.717


Représentants du personnel : les heures de délégation doivent être réglées à l’échéance normale, même si l’employeur conteste leur nombre.

Pour la Cour de cassation, les retenues sur le salaire mensuel d’un salarié au titre des heures de délégation, caractérisent l’existence d’un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser par le remboursement des retenues ainsi opérées, peu important l’existence de la contestation sérieuse élevée par l’employeur selon laquelle les mandats représentatifs du salarié ne couvraient plus l’intégralité de son temps de travail.

Ainsi, les heures de délégation doivent être payées à l’échéance, même s’il existe un litige sur leur nombre. Le juge des référés peut en ordonner le règlement.

En revanche, ce refus ne justifie pas, à lui seul, le versement de dommages-intérêts au salarié.

Cass. soc. 1er juin 2022 n° 20-16.836


Requalification d’une relation contractuelle : prescription de 5 ans

La Cour de cassation énonce que l’action par laquelle une partie demande de qualifier un contrat, dont la nature juridique est indécise ou contestée, en contrat de travail, revêt le caractère d’une action personnelle, qui relève de la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil, et non de la prescription de 2 ans énoncée par l’article L. 1471-1, alinéa 1, du code du travail.

Le point de départ du délai de prescription est la date à laquelle la relation contractuelle dont la qualification est contestée a cessé. C’est en effet à cette date que le titulaire connaît l’ensemble des faits lui permettant d’exercer son droit.

Cass. soc 11 mai 2022 n° 20-14.421
Cass. soc 11 mai 2022 n° 20-18.084


Paiement du salaire : la preuve incombe à l’employeur.

Dans cette affaire, la Cour d’appel avait débouté la salariée de sa demande en paiement de primes pour les années 2018 et 2019, en retenant que celle-ci ne versait aux débats aucun de ses bulletins de salaire antérieurs ou postérieurs à l’année 2018 et ainsi ne démontrait pas avoir été privée du versement de cette prime.

La Cour de cassation énonce que, alors que la Cour d’appel ne remettant pas en cause l’existence de la prime revendiquée, il incombait à l’employeur de rapporter la preuve de son paiement. La Cour de cassation a ainsi estimé que la Cour d’appel avait inversé la charge de la preuve en la faisant peser sur la salariée, et que son arrêt devait donc être cassé.

Cass. soc. 21 avril 2022, n° 20-22.826


L’indemnisation du dépassement du temps normal de trajet domicile-travail ne doit pas être dérisoire.

Selon l’article L. 3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie, soit sous forme de repos, soit financière.

Dans cette affaire, l’employeur avait institué une « franchise », consistant à ne pas indemniser 2 heures de temps de déplacement.

La Cour considère que ce système d’indemnisation, en raison de son caractère dérisoire, méconnaissait l’article L. 3121-4 du Code du travail.

Cass. soc., 30 mars 2022, n° 20-15.022


Représentants du personnel : le temps de trajet pour se rendre aux réunions doit être rémunéré comme du temps de travail effectif.

Selon l’article L. 2325-9 du code du travail, le temps passé aux séances du comité par les représentants syndicaux au comité d’entreprise est rémunéré comme temps de travail.

Un représentant du personnel résidant dans le sud de la France devait se rendre aux réunions du comité central d’entreprise à Paris. Il demandait en conséquence la rémunération de son temps de trajet comme du temps de travail effectif.

La Cour énonce que le représentant syndical au comité d’entreprise ne devant subir aucune perte de rémunération en raison de l’exercice de son mandat, le temps de trajet, pris en dehors de l’horaire normal de travail et effectué en exécution des fonctions représentatives, doit être rémunéré comme du temps de travail effectif pour la part excédant le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail.

Cass. soc. 21 avril 2022, n° 20-17038


En présence d’un chantage au paiement du salaire, la rupture conventionnelle doit être déclarée nulle.

Dans cette affaire, le salarié n’avait pas reçu de salaire depuis 4 mois lorsqu’il s’est vu proposer une rupture conventionnelle. L’arriéré s’élevait alors à 7 000 €. L’employeur a effectué un premier versement partiel de 1 500 € juste avant la signature de la convention de rupture, puis un second de 3 200 € pendant le délai de rétractation.

Pour la cour d’appel, la nullité de la rupture conventionnelle devait être prononcée en raison de l’existence d’une violence et d’un vice du consentement au moment de la signature de l’acte. En effet, l’employeur, qui ne payait plus le salarié depuis plusieurs mois, a contraint celui-ci à accepter la rupture par la promesse du versement de l’arriéré de salaire. La Cour estime que le salarié pouvait légitimement craindre qu’à défaut d’acceptation, il ne soit jamais réglé de ses salaires impayés.

CA Lyon 21 janvier 2022, n° 19/04124


Doit être frappé de nullité le licenciement d’un salarié pour le simple usage de sa liberté d’expression.

Le salarié avait fait part de son désaccord sur les modalités d’intégration d’une société au sein d’une autre, dans des termes qui n’étaient pas outranciers ou injurieux.

La Cour avait considéré que le licenciement intervenu pour l’exercice par le salarié de sa liberté d’expression était sans cause réelle et sérieuse.

Cet arrêt est cassé, la Cour de cassation considérant qu’un tel licenciement devait être déclaré nul et pas simplement sans cause réelle et sérieuse.

Cass. soc., 16 février 2022, 19-17.871


Rupture conventionnelle : la clause de non-concurrence doit être levée au plus tard à la date de rupture fixée par les parties dans la convention.

Le salarié ne pouvant être laissé dans l’incertitude quant à l’étendue de sa liberté de travailler, la Cour de cassation énonce qu’en matière de rupture conventionnelle, l’employeur, s’il entend renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, doit le faire au plus tard à la date de rupture fixée par la convention, nonobstant toutes stipulations ou dispositions contraires.

En l’espèce, la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail a prévu, d’une part, qu’elle s’appliquerait pour une durée d’une année à compter de la rupture effective du contrat de travail, et d’autre part, que l’employeur aurait la faculté de se libérer de la contrepartie financière de cette clause en renonçant au bénéfice de cette dernière, par décision notifiée au salarié à tout moment durant le préavis ou dans un délai maximum d’un mois à compter de la fin du préavis (ou en l’absence de préavis, de la notification du licenciement).

La Cour de cassation considère que la date de rupture fixée par les parties dans la convention de rupture était le 5 mai 2015, ce dont il résultait que la renonciation par l’employeur au bénéfice de la clause de non-concurrence intervenue le 11 septembre 2015 était tardive.

Cass. soc. 26 janv. 2022 n° 20-15.755