Actualité droit social

Non-respect de la procédure conventionnelle de licenciement : impact sur la validité du licenciement seulement si le salarié n’a pu utilement assurer sa défense.

L’article 13 de la convention collective nationale du Crédit agricole institue la saisine obligatoire d’un conseil de discipline.

En l’espèce, le conseil de discipline avait été saisi mais la convocation du salarié devant celui-ci ne comportait en pièce jointe que le rapport de synthèse établi par la direction de l’établissement bancaire à l’encontre du salarié, alors que le dossier disciplinaire comportait également les éléments d’enquête interne constitués par le rapport d’audit de contrôle périodique et ses annexes, à savoir notamment la liste détaillée des opérations de ristournes analysées.

La Cour d’appel avait considéré que licenciement intervenu ultérieurement se trouvait dépourvu de cause réelle et sérieuse, en raison du fait que le dossier transmis au salarié n’était pas complet.

La Cour d’appel casse cet arrêt en considérant que la Cour d’appel aurait dû rechercher si l’irrégularité constatée avait privé le salarié de la possibilité d’assurer utilement sa défense devant le conseil de discipline.

Cass. soc. 8 sept. 2021 n° 19-15.039


Grève : les actions de blocage des accès aux postes de travail justifient le licenciement d’un salarié protégé.

Les salariés protégés ne peuvent être licenciés qu’avec l’autorisation de l’inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d’un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l’intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande est motivée par un comportement fautif, il appartient à l’inspecteur du travail saisi de rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement.

Dans le cas de faits survenus à l’occasion d’une grève, l’article L. 2511-1 du code du travail dispose que « l’exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié ».

En l’espèce, le salarié avait, à plusieurs reprises, bloqué physiquement l’accès à une cabine de commande de délovage de câble, empêchant ainsi d’autres salariés de travailler. Il avait également bloqué l’accès à un navire, en occupant l’échelle de coupée, empêchant ainsi les salariés de travailler. Il en est résulté une atteinte à la liberté de travail des autres salariés, faits d’une gravité suffisante pour justifier le licenciement du salarié protégé.

CE 27 mai 2021 n° 433078


Est illicite la mise en place d’une caméra destinée à surveiller le seul salarié d’une cuisine.

Aux termes de l’article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

L’employeur avait notifié au salarié un avertissement en ces termes : « Ne constatant, malgré nos précédents et nombreux rappels à l’ordre verbaux, aucun changement dans votre comportement, nous nous voyons dans l’obligation, par cette lettre, de vous adresser un avertissement. Parallèlement, nous vous informons de notre intention de mettre en place, dans les prochains jours, un système de vidéo-surveillance et un registre de contrôle et pointage de vos heures de travail. Nous espérons vivement que ces démarches engendreront des changements dans votre comportement au travail ».

Le salarié avait par la suite été licencié sur le fondement d’actes enregistrés par la caméra.

L’employeur soutenait que le dispositif de vidéo-surveillance était destiné à empêcher le salarié de réitérer ses manquements.

La Cour de cassation énonce cependant que le salarié, qui exerçait seul son activité en cuisine, était soumis à la surveillance constante de la caméra qui y était installée. Elle en a déduit que les enregistrements issus de ce dispositif de surveillance, attentatoire à la vie personnelle du salarié et disproportionné au but allégué par l’employeur de sécurité des personnes et des biens, n’étaient pas opposables au salarié. Le licenciement a donc été invalidé.

Cass. soc. 23 juin 2021 n° 19-13856


Prescription des faits fautifs : la connaissance des faits par un supérieur hiérarchique n’ayant pas de pouvoir disciplinaire peut marquer le point de départ du délai.

La Cour d’appel avait considéré que le point de départ du délai de prescription était la date à laquelle un formateur, qui ne disposait d’aucun pouvoir disciplinaire à l’égard du salarié, avait transmis son rapport sur ces événements à la direction de la société.

La Cour de cassation censure cet arrêt en considérant qu’il fallait rechercher si le formateur avait la qualité de supérieur hiérarchique. Si c’est le cas, c’est alors la date à laquelle ce supérieur a connaissance des faits fautifs qui marque le point de départ de la prescription.

Cass. soc., 23 juin 2021, n° 20-13.762 et n° 19-24.020


Des tentatives d’intimidation du médecin du travail justifient un licenciement pour faute grave.

Le salarié qui tente de faire pression sur le médecin du travail pour qu’il change le sens de son avis médical commet une faute grave justifiant son licenciement, selon la Cour d’appel de Versailles.

CA Versailles 10 mars 2021 n° 18/04648


Pas de transfert d’entité économique autonome en cas de perte d’identité de l’entité transférée.

Une salariée occupait le poste d’adjointe du responsable d’un magasin de bricolage. Ce magasin a été racheté par une société exploitant un hypermarché. La salariée a refusé le transfert de son contrat de travail (L. 1224-1 du code du travail) invoqué par son employeur et de prendre son nouveau poste. Elle a alors été licenciée pour faute grave.

La société acquéreuse avait repris les seuls stocks du magasin de bricolage, dont elle s’était séparée en les bradant, et avait imposé aux salariés repris une totale permutabilité avec les autres salariés de l’hypermarché, même affectés à l’épicerie ou à la charcuterie.

La Cour en déduit que l’entité économique autonome avait perdu son identité à l’occasion de la cession. Le licenciement est donc invalidé.

Cass. soc. 24 mars 2021 n° 19-12.208


La faute lourde est caractérisée par des opérations créant une situation de conflits d’intérêts, menées à l’insu de l’employeur.

La faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise.

En l’espèce, la faute lourde est caractérisée par le fait que le salarié avait passé divers contrats par l’intermédiaire notamment d’une société dont il était, à l’insu de son employeur, associé majoritaire, avec plusieurs sociétés, clientes ou filiales de la société, ayant généré des facturations ignorées de celle-ci, créant une situation de conflit d’intérêts. La dissimulation par le salarié de son intérêt personnel dans la réalisation d’opérations financières mettant en cause le fonctionnement de la société était constitutive d’un manquement à l’obligation de loyauté et établissait la volonté de l’intéressé de faire prévaloir son intérêt personnel sur celui de l’employeur.

Cass. soc., 10 février 2021, 19-14.315


L’employeur ne peut retirer au salarié son véhicule de fonction.

L’employeur avait décidé de supprimer au salarié la mise à disposition d’un véhicule de fonction, précisant que la valeur de l’avantage en nature serait intégrée à la rémunération brute mensuelle. Le salarié a refusé, estimant qu’il s’agissait d’une modification de son contrat de travail. Il a alors été licencié pour faute grave.

La Cour de cassation invalide le licenciement au motif que le retrait du véhicule de fonction (et non d’un véhicule de service) constituait bien une modification de son contrat de travail soumise à son accord.

Cass. Soc., 2 décembre 2020, 19-18445


Vie professionnelle et vie personnelle : exemples de critères pour fixer la frontière

Deux salariés avaient entretenu pendant des mois une relation amoureuse faite de ruptures et de sollicitations réciproques. L’un deux avait finalement été licencié pour faute grave pour avoir notamment fixé une balise GPS sur le véhicule de sa partenaire et lui avoir adressé des messages en interne.

La Cour de cassation invalide cependant le licenciement en considérant que la balise avait été posée sur le véhicule personnel de la salariée, que l’envoi à celle-ci de courriels au moyen de l’outil professionnel était limité à deux messages et que les faits n’avaient eu aucun retentissement au sein de l’agence ou sur la carrière de l’intéressée.

Cass. soc. 16-12-2020 n° 19-14.665


Le vol lors d’une escale doit être rattachée à la vie professionnelle du salarié.

Le salarié, steward d’une compagnie aérienne, a été licencié pour faute grave aux motifs d’avoir manqué à ses obligations professionnelles et porté atteinte à l’image de la compagnie, en ayant soustrait le portefeuille d’un client d’un hôtel dans lequel il séjournait en tant que membre d’équipage.

Le salarié objectait que ces faits se rattachaient non à sa vie professionnelle, mais à sa vie personnelle. La Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’avoir considéré que les faits se rattachaient bien à sa vie professionnelle : les faits de vol visés dans la lettre de licenciement, avaient été commis pendant le temps d’une escale dans un hôtel partenaire commercial de la compagnie aérienne, qui y avait réservé à ses frais les chambres.

Cass. soc. 8-7-2020 n° 18-18317