Actualité droit social

Affaire Baby Loup : est discriminatoire le licenciement d’une salariée d’une crèche pour port du voile islamique

Une salariée d’une crèche privée a été licenciée pour faute grave au motif qu’elle portait le voile islamique.

Le licenciement se fondait sur la méconnaissance du règlement intérieur qui prévoyait que « le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s’appliquent dans l’exercice de l’ensemble des activités développées par Baby Loup ».

La Cour de cassation a considéré que le licenciement était discriminatoire car reposant sur cette clause qui instaurait une restriction générale et imprécise qui ne répondait donc pas aux exigences de l’article L. 1321-3 du code du travail, duquel il résulte que les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et être proportionnées au but recherché.

Est ainsi cassé l’arrêt d’appel qui avait considéré que les enfants accueillis par la crèche, compte tenu de leur jeune âge, n’avaient pas à être confrontés à des manifestations ostentatoires d’appartenance religieuse.

La Cour de cassation précise au passage que le principe de laïcité instauré par l’article 1er de la Constitution n’est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public.

Cass. Soc., 19 mars 2013, n° 11-28845


Naviguer sur Internet peut constituer une faute grave

Une salariée a été licenciée pour faute grave pour avoir passé un temps considérable sur Internet pendant son temps de travail. Avaient été enregistrées, sur une période de 15 jours, 10.000 connexions à des sites non professionnels. Cass. soc., 26 février 2013, n° 11-27372

La Cour de cassation avait déjà validé le licenciement pour faute grave d’un salarié qui avait passé 41 heures sur Internet en un mois (Cass. soc., 18 mars 2009, n° 07-44247).


Le prosélytisme religieux justifie un licenciement

Une infirmière, travaillant de nuit dans un service de cancérologie, a été licenciée pour faute grave pour s’être livrée, dans la chambre d’une patiente, à des prières et incantations, lui parlant de Dieu et de la mort et la contraignant à se mettre à genou pour prier à ses côtés.

La patiente a été paniquée par ce comportement et a émis le souhait de quitter immédiatement l’établissement de peur d’être à nouveau confrontée à cette salariée.

La Cour confirme le jugement qui avait écarté la faute grave mais considéré que ces faits justifiaient le licenciement. CA Versailles, 6 déc. 2012, n° 11-02076


Consommation ou trafic de drogue en dehors du temps de travail : pas de licenciement en l’absence de trouble dans l’entreprise

Des faits relevant de la vie privée ne peuvent constituer un motif de licenciement que si ceux-ci engendrent un trouble objectif au sein de l’entreprise (Cass. soc., 16 sept. 2009, n° 08-41837).

Illustrations de ce principe à propos de la consommation et du trafic de drogue :

– Un chauffeur-livreur avait été poursuivi pénalement pour avoir cultivé de la marijuana sur son balcon. L’employeur l’avait licencié au motif que celui-ci mettait en danger sa personne ainsi que les autres usagers de la route. Le licenciement a été invalidé au motif que les faits reprochés relevaient de la vie privée du salarié et qu’aucun trouble n’avait été caractérisé. CA Paris, 11 sept. 2012, n° 10-09919

– Un salarié avait été condamné pénalement pour détention et revente de cannabis, et licencié ensuite pour ce motif. Le licenciement a été invalidé, parce que les faits relevaient de la vie privée et qu’il n’était pas établi que le salarié se serait livré à ce trafic dans l’enceinte de l’entreprise. CA Douai, 28 sept. 2012, n° 12-00195


Entretien préalable : l’employeur peut exclure le conseiller du salarié incapable de justifier de sa qualité

Dans cette affaire, le conseiller du salarié n’avait pas été admis par l’employeur à assister le salarié lors de son entretien préalable à son licenciement, car il n’avait pu justifier que de son identité et non de sa qualité de conseiller figurant sur la liste arrêtée par le Préfet.

La Cour d’appel avait considéré la procédure comme irrégulière, mais cet arrêt a été cassé par la Cour de cassation. Cass. soc., 25 sept. 2012, n° 11-10684

Les conseillers doivent donc se munir de la copie de l’arrêté préfectoral fixant la liste des conseillers pour être sûrs de pouvoir assister le salarié.


Est proscrite l’utilisation d’un stratagème pour identifier un salarié fautif

La Poste, pour identifier le responsable de l’ouverture intempestive de courriers, avait utilisé un stratagème consistant à introduire dans la tournée du facteur des lettres diffusant une encre bleue en cas d’ouverture.

La Cour de cassation invalide le licenciement de la salariée confondue, en énonçant que si l’employeur a le pouvoir de contrôler et de surveiller l’activité de son personnel pendant le temps de travail, il ne peut mettre en œuvre un dispositif de contrôle clandestin et à ce titre déloyal. Cass. soc., 4 juillet 2012, n° 11-30266


Vie privée du salarié : ce que l’employeur peut consulter librement

L’employeur peut librement consulter tout ce qui n’est pas identifié comme personnel par le salarié, comme par exemple :

– Un courrier adressé au salarié ne portant pas la mention « personnel », même si le nom du salarié figure sur l’enveloppe. Cass. soc., 11 juillet 2012, n° 11-22972

– Une enveloppe située dans un tiroir non fermé à clé du bureau du salarié. Cass. soc., 4 juillet 2012, n° 11-12330

Rappelons que la jurisprudence interdit à l’employeur de consulter, hors la présence du salarié ou sans que celui-ci ait été dûment appelé, les documents qu’il a identifiés comme personnels (Cass. soc., 17 mai 2005, n° 03-40017, à propos des fichiers informatiques).

A noter que le salarié ne saurait cependant identifier l’entier disque dur de son ordinateur professionnel pour contourner ces règles. Cass. soc., 4 juillet 2012, n° 11-12502


La dénonciation mensongère de faits de harcèlement moral peut constituer une faute grave

Il ressortait des pièces du dossier que la salariée, qui comptait 21 ans d’ancienneté, avait dénoncé de façon mensongère des faits inexistants de harcèlement moral dans le but de déstabiliser l’entreprise et de se débarrasser du cadre responsable du département comptable. Son licenciement pour faute grave a été validé par la Cour de cassation. Cass. soc., 6 juin 2012, n° 10-28345

Pour la bonne compréhension de cette décision, rappelons que :

  • Aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié pour avoir témoigné d’agissements de harcèlement moral ou les avoir relatés. Toute rupture du contrat de travail en méconnaissance ces dispositions, toute disposition ou tout acte contraire est nul (art. L. 1152-2 et L. 1152-3 du Code du travail).
  • Seul le salarié de mauvaise foi peut être valablement licencié. Cette mauvaise foi ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis (Cass. soc., 10 mars 2009, n° 07-44092). Celle-ci ne peut également résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce (Cass. soc., 7 févr. 2012, n° 10-18035).

Faits relevant de la vie privée : le licenciement n’est possible qu’en cas de trouble objectif à l’entreprise

Un directeur de deux foyers de travailleurs migrants, chargé de l’encaissement des redevances locatives pour l’association, avait cessé depuis près de 14 mois de régler ses propres loyers relatifs au logement occupé dans un des foyers, malgré des rappels et des procédures contentieuses.

La Cour de cassation a considéré que ces faits, même s’ils relevaient de la vie privée du salarié, caractérisaient un trouble objectif à l’entreprise et a en conséquence validé le licenciement. Cass. soc., 11 avril 2012, n° 10-25764


Faute lourde : deux exemples où l’intention de nuire à l’employeur n’a pas été retenue malgré la gravité des faits reprochés

Dans ces deux affaires, en l’absence d’intention de nuire caractérisée, la Cour de cassation a cassé les arrêts de Cour d’appel qui avaient retenu la faute lourde :

– Fait pour un supérieur de donner pour consigne à des salariés de ne pas entrer en comptabilité des sommes versées en espèces par les clients mais de les lui remettre, de les utiliser à des fins contraires aux intérêts de l’entreprise pour la rémunération occulte de certains salariés ou le paiement en espèces de fournisseurs de l’entreprise, ce qui exposait celle-ci à des poursuites fiscales ou pénales, ou à des redressements effectués par les organismes de protection sociale (Cass. soc., 28 mars 2012, n° 10-28650),

– Stratagème délibérément mis en œuvre par une salariée, avec les membres de sa famille, afin d’obtenir paiement d’heures de travail inexistantes ou à en augmenter artificiellement le nombre (Cass. soc., 12 avril 2012, n° 11-12483).