Actualité droit social

Résiliation judiciaire du contrat de travail : la régularisation par l’employeur intervenue après un licenciement est sans incidence.

Dans cette affaire, le salarié avait demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison notamment du non-paiement d’heures supplémentaires. Un licenciement était ensuite intervenu, puis l’employeur avait réglé le salarié de ses heures supplémentaires avant l’audience de jugement.

Lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, et qu’il est licencié ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée. Pour apprécier si les manquements de l’employeur sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, il peut tenir compte de la régularisation survenue jusqu’à la date du licenciement.

En l’espèce, la régularisation étant intervenue après le licenciement, celle-ci était sans incidence sur l’appréciation de la résiliation judiciaire du contrat, même si le versement avait eu lieu avant l’audience de jugement.

Cass. soc., 2 mars 2022, n° 20-14.099


Licenciement sans cause réelle et sérieuse : le juge ne peut s’écarter du « barème Macron ».

L’article L. 1235-3 du code du travail, issu de l’ordonnance du 22 septembre 2017, met en place un barème applicable à la fixation par le juge de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, celle-ci devant être comprise entre des montants minimaux et maximaux, ces derniers variant, selon l’ancienneté du salarié, entre un et vingt mois de salaire brut.

Dans deux arrêts remarqués, la chambre plénière de la Cour de cassation énonce que ce barème s’impose au juge dans tous les cas, celui-ci ne pouvant être écarté pour incompatibilité avec des textes internationaux tels la Charte sociale européenne (art. 24) et l’article 10 de la Convention de l’OIT n° 158 sur le licenciement.

Cass. soc. 11 mai 2022, n° 21-15.247 et Cass. soc. 11 mai 2022, n° 21-14.490


Rupture conventionnelle : la clause de non-concurrence doit être levée au plus tard à la date de rupture fixée par les parties dans la convention.

Le salarié ne pouvant être laissé dans l’incertitude quant à l’étendue de sa liberté de travailler, la Cour de cassation énonce qu’en matière de rupture conventionnelle, l’employeur, s’il entend renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, doit le faire au plus tard à la date de rupture fixée par la convention, nonobstant toutes stipulations ou dispositions contraires.

En l’espèce, la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail a prévu, d’une part, qu’elle s’appliquerait pour une durée d’une année à compter de la rupture effective du contrat de travail, et d’autre part, que l’employeur aurait la faculté de se libérer de la contrepartie financière de cette clause en renonçant au bénéfice de cette dernière, par décision notifiée au salarié à tout moment durant le préavis ou dans un délai maximum d’un mois à compter de la fin du préavis (ou en l’absence de préavis, de la notification du licenciement).

La Cour de cassation considère que la date de rupture fixée par les parties dans la convention de rupture était le 5 mai 2015, ce dont il résultait que la renonciation par l’employeur au bénéfice de la clause de non-concurrence intervenue le 11 septembre 2015 était tardive.

Cass. soc. 26 janv. 2022 n° 20-15.755


L’obligation de reclassement doit être exécutée de manière loyale.

L’article L. 1226-12 du Code du travail dispose que l’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.

La présomption instituée par ce texte ne joue que si l’employeur a proposé au salarié, loyalement, en tenant compte des préconisations et indications du médecin du travail, un autre emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Dans cette affaire, le médecin du travail, dès l’avis d’inaptitude, a mentionné le poste de conducteur d’engins comme une possibilité de reclassement. En réponse à une interrogation de l’employeur, il a écrit à ce dernier que les fortes secousses et vibrations étaient effectivement contre indiquées, mais que les niveaux d’exposition et de vibrations variaient selon le type d’engins, et lui a proposé de venir faire des mesures de vibrations, l’invitant par ailleurs à consulter des documents, un logiciel, et un guide de réduction des vibrations. Le médecin du travail citait au titre des postes envisageables, en premier, la conduite d’engins après évaluation du niveau de vibrations.

Or, l’employeur ne contestait pas qu’un poste de conducteur d’engins était disponible à proximité, que le salarié avait demandé à être reclassé sur un tel poste qu’il avait occupé de 1992 à 2011 et qu’il maîtrisait. L’employeur ne justifiait en outre d’aucune évaluation de ce poste avec le médecin du travail, comme celui-ci le lui proposait.

La Cour de cassation confirme donc l’arrêt d’appel qui avait énoncé que l’employeur n’avait pas loyalement exécuté son obligation de reclassement et d’avoir en conséquence jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

Cass. soc. 26 janv. 2022 n° 20-20.369


Lanceur d’alerte : nullité du licenciement d’un salarié ayant dénoncé des infractions pénales de l’employeur.

En raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales ou des manquements à des obligations déontologiques prévues par la loi ou le règlement, est frappé de nullité.

Dans cette affaire, la lettre de licenciement reprochait expressément à un expert-comptable salarié d’avoir menacé son employeur de saisir la compagnie régionale des commissaires aux comptes de l’existence dans la société d’une situation de conflit d’intérêts à la suite de cas d’auto-révision sur plusieurs entreprises, situation prohibée par le code de déontologie de la profession, dont il l’avait préalablement avisé. Le licenciement est frappé de nullité.

Cass. soc. 19 janv. 2022 n° 20-10.057


L’employeur ne peut revenir sur une situation de télétravail acceptée pendant plusieurs années.

Alors qu’elle avait accepté pendant plusieurs années que le salarié ne se rende qu’épisodiquement au siège de l’entreprise, la société a modifié un élément essentiel du contrat de travail en lui imposant d’être présent au siège deux jours par semaine.

Cette modification du lieu d’exécution de la prestation de travail était en effet de nature à bouleverser non seulement l’organisation professionnelle du salarié mais également ses conditions de vie personnelle puisqu’elle le contraignait à dormir à l’hôtel deux nuits par semaine et à voyager le dimanche. Cette modification du contrat de travail ne pouvait être unilatéralement décidée par l’employeur.

La Cour considère donc que le salarié était donc en droit de refuser la mise en place de la modification litigieuse.

CA Orléans 7 déc. 2021 n° 19/01258


Une mutation en dépit des convictions religieuses n’est pas forcément discriminatoire.

Un agent de propreté s’était vu imposer une mutation sur le site d’un cimetière. Le salarié avait refusé cette mutation en invoquant ses convictions religieuses hindouistes lui interdisant de travailler dans un cimetière. Le salarié avait alors été licencié.

La Cour d’appel avait considéré que la mutation était discriminatoire au regard des convictions religieuses de l’intéressé, et avait donc jugé que le licenciement était nul.

La Cour de cassation casse cet arrêt en considérant que la mutation prononcée par l’employeur était justifiée par une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de l’article 4, § 1, de la directive 2000/78 du Conseil du 27 novembre 2000 au regard :

– d’une part de la nature et des conditions d’exercice de l’activité du salarié, chef d’équipe dans le secteur de la propreté, affecté sur un site pour exécuter ses tâches contractuelles en vertu d’une clause de mobilité légitimement mise en oeuvre par l’employeur,

– d’autre part du caractère proportionné au but recherché de la mesure, laquelle permettait le maintien de la relation de travail par l’affectation du salarié sur un autre site de nettoyage.

Pour la Cour de cassation, la mutation disciplinaire ne constituait pas une discrimination directe injustifiée en raison des convictions religieuses et, dès lors, le licenciement du salarié n’était pas nul.

Cass. soc. 19-1-2022, n° 20-14.014


Un DRH d’une filiale ne peut licencier un salarié d’une autre filiale.

La finalité même de l’entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l’employeur de donner mandat à une personne étrangère à l’entreprise pour procéder à cet entretien et notifier le licenciement.

En l’espèce, un DRH d’une filiale avait signé la lettre de licenciement d’un salarié d’une autre filiale. La Cour de cassation considère qu’il s’agissait d’une personne étrangère à l’entreprise et qu’elle ne pouvait en conséquence recevoir délégation de pouvoir pour procéder au licenciement. Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse pour cette seule raison.

Cass. soc., 20 oct. 2021 n° 20-11.485


Rupture conventionnelle : nullité si l’employeur n’a pris aucune mesure contre une situation de harcèlement dénoncée par la salariée.

A la date de la signature de la convention de rupture conventionnelle, l’employeur, informé par la salariée de faits précis et réitérés de harcèlement sexuel de la part de son supérieur hiérarchique, n’avait mis en oeuvre aucune mesure de nature à prévenir de nouveaux actes et à protéger la salariée des révélations qu’elle avait faîtes.

La salariée se trouvait donc dans une situation devenue insupportable et dont les effets pouvaient encore s’aggraver si elle se poursuivait. Elle n’avait donc eu d’autre choix que d’accepter la rupture et n’avait donc pu donner un consentement libre et éclairé.

Il existait donc une violence morale et c’est à bon droit que la Cour d’appel avait procédé à l’annulation de la rupture conventionnelle.

Cass. soc. 4 nov. 2021 n° 20-16.550


Congé maternité : la protection absolue contre le licenciement cesse à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail.

Aux termes de l’article L. 1225-4 du code du travail, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté, pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu’elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l’expiration de ces périodes.

Toutefois, l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressée, non liée à l’état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa.

Il en résulte que pendant les dix semaines suivant l’expiration des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur peut notifier un licenciement pour faute grave non liée à l’état de grossesse ou pour impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement.

En l’espèce, à l’issue de son congé maternité, la salariée s’était trouvée en arrêt maladie et avait été licenciée pour faute grave pendant son arrêt maladie.

La Cour d’appel avait considéré que le licenciement était nul mais la Cour de cassation censure cette décision au motif que la période de protection absolue contre le licenciement avait cessé à l’expiration des périodes de suspension du contrat de travail. La Cour devait donc rechercher s’il y avait eu ou non faute grave de l’intéressée.

Cass. soc. 1er déc. 2021 n° 20-13.339