Actualité droit social

Suspension du contrat pour accident du travail : seul le manque de loyauté peut motiver un licenciement pour faute grave.

Aux termes de l’article L. 1226-9 du code du travail, pendant la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’employeur ne peut rompre ce contrat que s’il justifie d’une faute grave de l’intéressé ou d’une impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.

Le salarié, dont le contrat de travail était suspendu en raison d’un accident du travail, a été licencié, en raison de retards répétés à sa prise de service survenus antérieurement à son arrêt de travail.

La Cour de cassation invalide le licenciement aux motifs que pendant la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’employeur peut seulement, dans le cas d’une rupture pour faute grave, reprocher au salarié des manquements à l’obligation de loyauté.

Cass. soc. 3 févr. 2021, n° 18-25.129


Des tentatives d’intimidation du médecin du travail justifient un licenciement pour faute grave.

Le salarié qui tente de faire pression sur le médecin du travail pour qu’il change le sens de son avis médical commet une faute grave justifiant son licenciement, selon la Cour d’appel de Versailles.

CA Versailles 10 mars 2021 n° 18/04648


Pas de transfert d’entité économique autonome en cas de perte d’identité de l’entité transférée.

Une salariée occupait le poste d’adjointe du responsable d’un magasin de bricolage. Ce magasin a été racheté par une société exploitant un hypermarché. La salariée a refusé le transfert de son contrat de travail (L. 1224-1 du code du travail) invoqué par son employeur et de prendre son nouveau poste. Elle a alors été licenciée pour faute grave.

La société acquéreuse avait repris les seuls stocks du magasin de bricolage, dont elle s’était séparée en les bradant, et avait imposé aux salariés repris une totale permutabilité avec les autres salariés de l’hypermarché, même affectés à l’épicerie ou à la charcuterie.

La Cour en déduit que l’entité économique autonome avait perdu son identité à l’occasion de la cession. Le licenciement est donc invalidé.

Cass. soc. 24 mars 2021 n° 19-12.208


Licenciement pour port du voile, en l’absence de clause de neutralité dans le règlement intérieur.

Une salariée, vendeuse dans une enseigne de prêt-à-porter, s’est présentée à son poste de travail avec un foulard dissimulant ses cheveux, ses oreilles et son cou. L’employeur lui a demandé de retirer son foulard. A la suite du refus opposé par la salariée, celle-ci a été licenciée pour cause réelle et sérieuse et a alors saisi le Conseil de prud’hommes.

L’employeur peut prévoir dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur, en application de l’article L. 1321-5 du code du travail dans sa rédaction applicable, une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et indifférenciée n’est appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec les clients.

Dans cette affaire, aucune clause de ce type n’existait.

La Cour énonce que l’attente alléguée des clients sur l’apparence physique des vendeuses d’un commerce de détail d’habillement ne saurait constituer une exigence professionnelle essentielle et déterminante et en déduit que le licenciement de la salariée était discriminatoire.

Cass. soc., 14 avril 2021, n° 19-24.079


Licenciement pour perturbations liées à l’absence pour maladie : un délai de 6 mois est suffisant pour un directeur d’association.

L’article L. 1132-1 du code du travail, qui fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, ne s’oppose pas au licenciement motivé, non par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l’absence prolongée ou les absences répétées du salarié.

Ce salarié ne peut toutefois être licencié que si les perturbations entraînent la nécessité pour l’employeur de procéder à son remplacement définitif par l’engagement d’un autre salarié, lequel doit intervenir à une date proche du licenciement ou dans un délai raisonnable après celui-ci, délai que les juges du fond apprécient souverainement en tenant compte des spécificités de l’entreprise et de l’emploi concerné, ainsi que des démarches faites par l’employeur en vue d’un recrutement.

Dans cette affaire, la cour d’appel, tenant compte des démarches engagées immédiatement après le licenciement par l’employeur en vue d’un recrutement et de l’importance du poste de directeur d’association, a estimé que le remplacement de l’intéressée, intervenu après 6 mois d’absence, était justifié.

Cass. soc. 24 mars 2021 n° 19-13188


La Cour d’appel de Paris écarte le barème Macron.

Dans un arrêt du 16 mars 2021, la Cour d’appel de Paris a condamné une entreprise à verser à un salarié ayant peu d’ancienneté le double du plafond du barème des dommages et intérêts institué par les ordonnances de 2017.

La Cour a en effet considéré que « le montant prévu [par le barème] ne permet pas une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi » par une salariée de 53 ans dont elle a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Pour écarter le plafond applicable, l’arrêt énonce que celui-ci « représente à peine la moitié du préjudice subi en termes de diminution des ressources financières depuis le licenciement ».

La Cour tient compte « de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération (…), de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard ». Au final, la condamnation s’est élevée à 32.000 € (7 mois de salaire), alors que le barème ne prévoyait que 17.000 maximum (4 mois).

Cour d’appel de Paris, 16 mars 2021, n° RG 19/08721


Reclassement : en cas de proposition refusée d’un poste approprié aux capacités du salarié, l’employeur n’a pas à l’informer par écrit des motifs qui s’opposent à son reclassement.

Aux termes de l’article L. 1226-12 du code du travail, lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement. L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi. L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.

Il en résulte que l’employeur a l’obligation de faire connaître au salarié, par écrit, les motifs qui s’opposent au reclassement, lorsqu’il est dans l’impossibilité de lui proposer un autre emploi.

Cependant, il n’est pas tenu de cette obligation lorsqu’il a proposé au salarié, qui l’a refusé, un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10 du code du travail, c’est-à-dire approprié à ses capacités.

Dans cette affaire, l’employeur avait proposé au salarié des offres de reclassement conformes aux exigences de l’article L. 1226-10 du code du travail. Le médecin du travail avait validé leur compatibilité avec l’aptitude résiduelle du salarié, qui les avait refusées.

Il en résulte que la demande de dommages-intérêts pour non-information des motifs de l’impossibilité de reclassement devait être rejetée.

Cass. soc., 24 mars 2021 n° 19-21.263


La faute lourde est caractérisée par des opérations créant une situation de conflits d’intérêts, menées à l’insu de l’employeur.

La faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise.

En l’espèce, la faute lourde est caractérisée par le fait que le salarié avait passé divers contrats par l’intermédiaire notamment d’une société dont il était, à l’insu de son employeur, associé majoritaire, avec plusieurs sociétés, clientes ou filiales de la société, ayant généré des facturations ignorées de celle-ci, créant une situation de conflit d’intérêts. La dissimulation par le salarié de son intérêt personnel dans la réalisation d’opérations financières mettant en cause le fonctionnement de la société était constitutive d’un manquement à l’obligation de loyauté et établissait la volonté de l’intéressé de faire prévaloir son intérêt personnel sur celui de l’employeur.

Cass. soc., 10 février 2021, 19-14.315


L’accident survenu au temps et au lieu de travail est un accident du travail, peu important que le salarié soit à l’origine de l’altercation.

Est considéré comme un accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu, par le fait ou à l’occasion du travail. En outre, l’accident survenu à un agent, aux temps et lieu du travail, est présumé imputable au service, sauf à la caisse à rapporter la preuve contraire, c’est-à-dire d’une cause totalement étrangère du travail.

Une altercation était intervenue entre le salarié et son supérieur hiérarchique, à la suite de laquelle le salarié avait souffert d’un syndrome anxio-dépressif réactionnel.

L’arrêt d’appel avait écarté la qualification d’accident du travail en considérant que le salarié avait été exclusivement à l’origine du différend l’ayant opposé à son responsable.

La Cour de cassation casse cependant cet arrêt en énonçant que l’accident était survenu au temps et au lieu du travail, et n’avait donc pas une cause totalement étrangère au travail.

Cass. civ. 2ème, 28 janvier 2021, 19-25.722


Enquête interne sur des faits de harcèlement : il n’est pas obligatoire d’informer ou d’entendre le salarié soupçonné.

Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance (art. L. 1222-4 du Code du travail). En outre, l’administration de la preuve doit être loyale.

Pour écarter le compte-rendu de l’enquête confiée par l’employeur à un organisme extérieur sur les faits de harcèlement moral reprochés à la salariée, la cour d’appel avait considéré que celle-ci n’avait été ni informée de la mise en oeuvre de cette enquête, ni entendue dans le cadre de celle-ci, de sorte que le moyen de preuve invoqué se heurtait à l’obligation de loyauté et était illicite.

La Cour de cassation énonce cependant qu’une enquête effectuée au sein d’une entreprise à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral n’est pas soumise aux dispositions de l’article L. 1222-4 du code du travail et ne constitue pas une preuve déloyale comme issue d’un procédé clandestin de surveillance de l’activité du salarié. L’enquête pouvait donc être effectuée sans que la salariée concernée soit informée ou entendue.

Cass. soc., 17 mars 2021, n° 18-25.597