Le contrat de travail d’un conducteur d’engins stipulait expressément que le premier lieu d’affectation était fixé à Lillebonne et Petitville, étant convenu que pour les besoins de l’exploitation, le salarié pourrait être amené à changer de lieu de travail et être appelé à faire des déplacements pour les besoins du service (remplacements de conducteurs, début de nouvelles activités, surcroît de travail dans d’autres régions).
L’employeur ayant demandé au salarié d’effectuer des déplacements impliquant des découchés. Le salarié avait refusé en arguant du fait que les découchés n’était pas expressément stipulés dans son contrat, et avait été licencié pour faute grave.
La cour d’appel, puis la Cour de cassation, ont successivement validé la faute grave en énonçant que les déplacements refusés s’inscrivaient dans le cadre habituel de son activité, le contrat envisageant expressément la possibilité d’affecter le salarié occasionnellement sur un secteur géographique plus large que la zone initialement prévue.
Cass. soc., 23 oct. 2024, 22-24.737
Alors qu’il peut refuser une modification de son contrat de travail (baisse de rémunération ou de responsabilités par ex.), le salarié ne peut refuser une modification de ses simples conditions de travail (nouvelle affection dans le même secteur géographique par ex.) et peut être licencié pour ce motif.
Dans cette affaire, un salarié avait refusé de se rendre à sa nouvelle affectation, qui constituait une simple modification de ses conditions de travail, et avait alors été licencié pour faute grave.
La Cour d’appel avait invalidé la faute grave mais validé le licenciement et avait condamné l’employeur à verser au salarié l’indemnité compensatrice de préavis.
La Cour de cassation a cassé cet arrêt en considérant que même si la faute grave avait été écartée, le salarié était responsable de l’inexécution du préavis qu’il refusait d’exécuter aux nouvelles conditions et qu’aucune indemnité de préavis ne lui était due.
Cass. soc., 23 octobre 2024, 22-22.917
Le salarié exerçait les fonctions d’agent de sécurité, de nuit.
La convention collective des entreprises de prévention et de sécurité stipule que :
Le salarié avait cependant refusé le passage à un horaire de jour, en invoquant la nécessité de sa présence de jour auprès de sa fille lourdement handicapée, et avait été licencié pour ce motif.
La Cour d’appel a constaté que :
La Cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, a considéré que le passage d’un horaire de nuit à un horaire de jour portait une atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale et était incompatible avec les obligations familiales impérieuses. Le licenciement a donc été invalidé.
Cass. Soc., 29 mai 2024, 22-21.814
Le chien d’un agent de sécurité avait, à 8h30, attaqué et mordu un agent de maintenance qui se trouvait sur le site dont il avait la surveillance, e avait été licencié pour faute grave.
La cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation avait validé la faute grave en considérant que ces faits ne relevaient pas de la vie personnelle du salarié :
Le manquement aux obligations découlant du contrat de travail était donc caractérisé.
Cass. soc., 23 oct. 2024, 22-23.050
La loi énonce des cas de recours précis (ex. : accroissement temporaire d’activité, remplacement d’un salarié absent…). En dehors de ces cas, pas de CDD. Le CDD ne peut en effet avoir pour objectif de pourvoir durablement à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
On rencontre souvent sur les CDD le cas de recours de l’Accroissement temporaire d’activité.
Attention cependant à ne pas considérer ce cas comme une catégorie « fourre-tout » permettant de valider automatiquement le CDD signé, comme on le voit si souvent !
S’il n’a pas à présenter de caractère exceptionnel, l’Accroissement temporaire d’activité doit cependant correspondre à une réalité : augmentation temporaire de l’activité, exécution d’une tâche occasionnelle, commande exceptionnelle à l’exportation, travaux urgents…
Dans cette affaire, les deux derniers CDD du salarié avaient été conclus au motif d’un « surcroît d’activité lié à l’ouverture d’une unité de vie Alzheimer ».
L’employeur soutenait que le surcroit temporaire était lié au projet de mise en place de l’unité : aspects architecturaux comme la création d’une unité sécurisée, formation spécifique du personnel médical et paramédical, mise en place d’une organisation dédiée…
La Cour de cassation a cependant considéré que le surcroît d’activité entraîné par l’ouverture de cette nouvelle unité s’intégrait dans le cadre de l’activité normale et permanente de l’association et n’était donc pas temporaire. Le CDD est donc requalifié en CDI.
Cass. soc., 18 sept. 2024, 23-16.782
Après un refus d’homologation, l’employeur avait retourné à l’administration le formulaire après avoir modifié le montant de l’indemnité de rupture ainsi que la date prévue de rupture, sans en informer le salarié. L’administration avait alors homologué la rupture, mais le salarié a saisi le juge en nullité de la rupture conventionnelle.
Pour la Cour de cassation, la rupture est bien nulle, le consentement du salarié ayant été vicié.
Il aurait fallu en effet que l’employeur recommence totalement la procédure : en soumettant le document rectifié à la signature du salarié, puis en observant les deux délais successifs (de rétractation puis d’homologation).
Cass. soc., 16 oct. 2024, n° 23-15.752
A noter que si l’employeur fournit simplement des explications à l’administration, par exemple sur le montant des salaires renseignés, sans modifier les montants mentionnés, la rupture conventionnelle reste valable et l’employeur n’a pas à recommencer la procédure (Cass. soc., 19 juin 2024 n° 22-23.143).
Une salariée s’était rendue sur le parking de son entreprise, avec son compagnon, ancien salarié de l’entreprise licencié pour violences, avant de commencer sa journée de travail. Une altercation a eu lieu entre ce dernier et le supérieur hiérarchique de la salariée. Celle-ci a alors été licenciée pour faute grave en raison de cet incident.
La Cour de cassation invalide le licenciement en énonçant que :
Cass. soc., 11 septembre 2024, 23-15.406
Alors que le contrat de travail prévoyait que l’employeur pouvait lever la clause de non-concurrence par l’envoi au salarié d’une lettre recommandée avec avis de réception, l’employeur a procédé à cette formalité en lui envoyant un simple e-mail.
La Cour de cassation a alors considéré que le salarié n’était pas valablement délié de son obligation de non-concurrence et que la contrepartie financière était donc due.
Cass. soc., 3 juillet 2024 n° 22-17.452
Dans cette affaire, une salariée avait pris ses congés d’été au Canada et y est restée ensuite, en télétravaillant depuis ce pays, avec l’autorisation de son employeur à titre provisoire.
La salariée demande ensuite à poursuivre le télétravail depuis le Canada jusqu’à la mi-février 2021 et n’obtient pas de réponse favorable. En mars, elle demande à nouveau à télétravailler en horaires décalés depuis ce pays. L’employeur refuse et lui demande de se présenter sur son lieu de travail une dizaine de jours plus tard, ce qu’elle ne fait pas.
La salariée est alors licenciée pour faute grave et saisit le Conseil de Prud’hommes.
Pour valider la faute grave, le Conseil de prud’hommes énonce que la salariée avait violé ses obligations résultant de son contrat de travail : le fait de ne pas avoir recueilli l’accord préalable de son employeur pour télétravailler depuis le Canada, d’avoir adopté une attitude déloyale en lui dissimulant ce télétravail depuis ce pays et de ne pas avoir repris son poste en présentiel malgré une mise en demeure en ce sens, caractérisaient une faute grave.
Conseil de Prud’hommes de Paris, 1er août 2024 n° 21/06451
Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail (art. L. 411-1 Code sécurité sociale).
Une salariée en télétravail était tombée dans l’escalier de sa maison pour prendre sa pause déjeuner.
La CPAM refusait de prendre en charge l’accident au titre de la législation professionnelle, au motif que l’accident étant survenu après que la salariée avait effectué son pointage lors de sa pause méridienne : elle n’était donc plus selon elle sous la subordination de l’employeur.
La Cour d’appel a cependant considéré que l’accident était survenu au temps du travail en raison notamment du fait que la plage horaire méridienne constituait une interruption de courte durée du travail, légalement prévue, assimilable au temps de l’exercice de l’activité professionnelle au sens de l’article L 1222-9, III du Code du travail.
CA Amiens 2 sept. 2024 no 23/00964
Autre exemple : le jour de l’accident, la salariée télétravaillait dans un bureau dans son sous-sol dont l’accès se faisait par un escalier ; que ses horaires de travail étaient se terminaient à 16h01. A 16h02, juste après s’être déconnectée, elle est tombée dans l’escalier en remontant de ce sous-sol, ce qui a engendré une fracture du coude droit et d’autres blessures. Pour exclure l’accident du travail, la Cour a constaté que la chute accidentelle a eu lieu alors que la salariée avait terminé sa journée de travail, celle-ci ayant effectué son pointage de fin de journée (déconnexion) à 16h01 et qu’elle n’était donc plus sous la subordination de son employeur au moment de l’accident.
CA Amiens 15 juin 2023 n° 22/00474