Actualité droit social

Un salarié peut-il être joint sur son téléphone personnel pendant ses heures de repos ?

Dans cette affaire, était en cause l’annulation d’avertissements reprochant au salarié de s’être présenté à l’entreprise au retour de jours de repos sans avoir sollicité, la veille de son retour, des informations sur l’organisation du travail, ni répondu aux textos et appels de l’employeur à cet effet.

La Cour d’appel avait validé ces avertissements, mais la Cour de cassation casse cet arrêt en énonçant que le fait de n’avoir pu être joint en dehors des horaires de travail sur son téléphone portable personnel est dépourvu de caractère fautif et ne permet donc pas de justifier une sanction disciplinaire.

Ainsi, au titre du droit à la déconnexion, il ne peut être reproché au salarié de joindre l’employeur ou d’être joint par ce dernier sur son téléphone pendant ses heures de repos, même s’il s’agit de l’organisation de la journée de travail du lendemain.

Cass. soc., 9 oct. 2024, n° 23-19.063


Quand la seule inaction de l’employeur caractérise une discrimination.

Dans cette affaire, le salarié avait écrit à son employeur pour se plaindre de propos racistes à son endroit tenus depuis des mois par ses supérieurs hiérarchiques sur son lieu de travail, que l’un d’entre eux saluait tout le monde sauf lui, etc.

La Cour d’appel n’avait pas prononcé la nullité du licenciement, considérant que le salarié ne soutenait pas avoir fait l’objet de mesures discriminatoires. Le salarié ne se plaignait pas en effet d’avoir été sanctionné, ni subi de mesures défavorables en termes de rémunération ou de promotion, ni licencié, etc., mais dénonçait l’inaction de l’employeur à la suite de ses signalements relatifs à des comportements racistes.

La Cour de cassation casse cet arrêt en énonçant que le salarié présentait des éléments de fait relatifs à des agissements discriminatoires, et qu’il appartenait en conséquence à l’employeur de justifier ces actes par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Cass. soc. 14 nov. 2024 no 23-17.917


Des messages personnels situés sur le bureau du salarié restent de nature personnelle.

Les documents détenus par le salarié dans le bureau de l’entreprise mis à sa disposition, sont, sauf lorsqu’il les identifie comme étant personnels, présumés avoir un caractère professionnel, de sorte que l’employeur peut y avoir accès hors sa présence.

Dans cette affaire, était en cause la production de messages issus de la messagerie personnelle du salarié, mais se trouvant sur le bureau du salarié.

La Cour d’appel avait considéré que, puisque ces documents de trouvaient sur le bureau du salarié, donc dans les locaux professionnels, celui-ci avait pu licitement les appréhender hors la présence du salarié et leur production était en conséquence licite.

La Cour de cassation casse cet arrêt en énonçant que, comme les documents litigieux découverts par l’employeur sur le bureau du salarié provenaient de sa messagerie personnelle, de sorte qu’étant identifiés comme personnels, l’employeur ne pouvait y accéder et les appréhender hors la présence du salarié. Elle en conclut au caractère illicite de leur production.

Cass. soc., 9 octobre 2024, 23-14.465


Des SMS envoyés avec le téléphone professionnel sont présumés de nature professionnelle.

Le salarié, licencié en raison de textos injurieux pour le président, émis avec le téléphone professionnel, invoquait le caractère privé de ces messages envoyés à deux anciens salariés, ainsi que qu’au directeur d’exploitation et du fait que ces conversations n’étaient pas destinées à être rendues publiques.

La Cour de cassation énonce cependant que les messages litigieux, qui bénéficiaient d’une présomption de caractère professionnel pour avoir été envoyés par le salarié au moyen du téléphone professionnel et dont le contenu était en rapport avec son activité professionnelle, ne revêtaient pas un caractère privé, peu important que ces échanges ne fussent pas destinés à être rendus publics. La production de ces échanges est donc validée.

Cass. soc. 11 déc. 2024, n° 23-20.716


Preuve : le contenu d’une clé USB personnelle peut être produit en justice à certaines conditions.

En décembre 2023, la Cour de cassation a opéré un revirement important sur la preuve, alignant la position en matière civile tant avec le droit européen qu’avec le droit pénal (Cass., Ass. plénière, 22 déc. 2023, n° 20-20.648).

Jusqu’alors, étaient écartées systématiquement des débats les preuves déloyales (obtenues à l’insu) ou illicites (vidéosurveillance en dehors des conditions légales par exemple).

La Cour de cassation énonce maintenant que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits, comme le droit au respect de la vie privée, à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

En principe, l’accès par l’employeur, hors la présence du salarié, aux fichiers contenus dans des clés USB personnelles, qui ne sont pas connectées à l’ordinateur professionnel, constitue une atteinte à la vie privée du salarié.

Mais dans cette affaire, l’employeur :

– démontrait qu’il avait agi de manière proportionnée afin d’exercer son droit à la preuve, dans le seul but de préserver la confidentialité de ses affaires : il montrait qu’il existait des raisons concrètes qui justifiaient le contrôle effectué sur les clés USB, au regard du comportement de la salariée,

– s’était borné à produire les données strictement professionnelles reproduites dans la clé USB après le tri opéré par l’expert qu’il avait mandaté à cet effet, en présence d’un huissier de justice, les fichiers à caractère personnel n’ayant pas été ouverts par l’expert et ayant été supprimés de la copie transmise à l’employeur.

La Cour de cassation valide en conséquence la production en justice des fichiers issus de la clé USB personnelle.

Cass. soc., 25 sept. 2024 n°23-13.992


Passage d’un horaire de nuit à un horaire de jour : le salarié peut-il refuser en invoquant le handicap de son enfant ?

Le salarié exerçait les fonctions d’agent de sécurité, de nuit.

La convention collective des entreprises de prévention et de sécurité stipule que :

  • les salariés assurent un service indistinctement soit de jour, soit de nuit, soit alternativement de nuit ou de jour ; qu’il s’agit là d’une modalité normale de l’exercice de leurs fonctions,
  • les contraintes personnelles du salarié ne sont pas opposables à l’employeur.

Le salarié avait cependant refusé le passage à un horaire de jour, en invoquant la nécessité de sa présence de jour auprès de sa fille lourdement handicapée, et avait été licencié pour ce motif.

La Cour d’appel a constaté que :

  • la fille du salarié, âgée de 7 ans, était handicapée à 80 % et la MDPH avait reconnu la prise en charge par les parents d’au moins 20 % des activités de l’enfant par une adaptation des horaires de travail,
  • l’entreprise ne justifiait pas de ce qu’elle ne disposait pas de poste de nuit.

La Cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, a considéré que le passage d’un horaire de nuit à un horaire de jour portait une atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale et était incompatible avec les obligations familiales impérieuses. Le licenciement a donc été invalidé.

Cass. Soc., 29 mai 2024, 22-21.814


Son chien attaque sur le lieu de travail mais hors du temps de travail : sanctionnable ?

Le chien d’un agent de sécurité avait, à 8h30, attaqué et mordu un agent de maintenance qui se trouvait sur le site dont il avait la surveillance, e avait été licencié pour faute grave.

La cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation avait validé la faute grave en considérant que ces faits ne relevaient pas de la vie personnelle du salarié :

  • Le salarié s’était maintenu sur le site après la fin de ses vacations, qui s’étaient terminées à 7h00, contrairement au règlement intérieur qui prévoyait que le personnel n’a pas le droit de se maintenir sur les lieux du travail sans autorisation
  • Le chien n’était ni attaché ni muselé contrairement aux consignes élémentaires de sécurité.

Le manquement aux obligations découlant du contrat de travail était donc caractérisé.

Cass. soc., 23 oct. 2024, 22-23.050


CDD : maîtrisez-vous la notion d’Accroissement temporaire d’activité ?

La loi énonce des cas de recours précis (ex. : accroissement temporaire d’activité, remplacement d’un salarié absent…). En dehors de ces cas, pas de CDD. Le CDD ne peut en effet avoir pour objectif de pourvoir durablement à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

On rencontre souvent sur les CDD le cas de recours de l’Accroissement temporaire d’activité.

Attention cependant à ne pas considérer ce cas comme une catégorie « fourre-tout » permettant de valider automatiquement le CDD signé, comme on le voit si souvent !

S’il n’a pas à présenter de caractère exceptionnel, l’Accroissement temporaire d’activité doit cependant correspondre à une réalité : augmentation temporaire de l’activité, exécution d’une tâche occasionnelle, commande exceptionnelle à l’exportation, travaux urgents

Dans cette affaire, les deux derniers CDD du salarié avaient été conclus au motif d’un « surcroît d’activité lié à l’ouverture d’une unité de vie Alzheimer ».

L’employeur soutenait que le surcroit temporaire était lié au projet de mise en place de l’unité : aspects architecturaux comme la création d’une unité sécurisée, formation spécifique du personnel médical et paramédical, mise en place d’une organisation dédiée…

La Cour de cassation a cependant considéré que le surcroît d’activité entraîné par l’ouverture de cette nouvelle unité s’intégrait dans le cadre de l’activité normale et permanente de l’association et n’était donc pas temporaire. Le CDD est donc requalifié en CDI.

Cass. soc., 18 sept. 2024, 23-16.782


Clause de non-concurrence : attention aux formes de la renonciation !

Alors que le contrat de travail prévoyait que l’employeur pouvait lever la clause de non-concurrence par l’envoi au salarié d’une lettre recommandée avec avis de réception, l’employeur a procédé à cette formalité en lui envoyant un simple e-mail.

La Cour de cassation a alors considéré que le salarié n’était pas valablement délié de son obligation de non-concurrence et que la contrepartie financière était donc due.

Cass. soc., 3 juillet 2024 n° 22-17.452


Télétravailler depuis l’étranger sans autorisation de l’employeur = faute grave

Dans cette affaire, une salariée avait pris ses congés d’été au Canada et y est restée ensuite, en télétravaillant depuis ce pays, avec l’autorisation de son employeur à titre provisoire.

La salariée demande ensuite à poursuivre le télétravail depuis le Canada jusqu’à la mi-février 2021 et n’obtient pas de réponse favorable. En mars, elle demande à nouveau à télétravailler en horaires décalés depuis ce pays. L’employeur refuse et lui demande de se présenter sur son lieu de travail une dizaine de jours plus tard, ce qu’elle ne fait pas.

La salariée est alors licenciée pour faute grave et saisit le Conseil de Prud’hommes.

Pour valider la faute grave, le Conseil de prud’hommes énonce que la salariée avait violé ses obligations résultant de son contrat de travail : le fait de ne pas avoir recueilli l’accord préalable de son employeur pour télétravailler depuis le Canada, d’avoir adopté une attitude déloyale en lui dissimulant ce télétravail depuis ce pays et de ne pas avoir repris son poste en présentiel malgré une mise en demeure en ce sens, caractérisaient une faute grave.

Conseil de Prud’hommes de Paris, 1er août 2024 n° 21/06451