Actualité droit social

Responsabilité médicale : prise en compte de recommandations médicales officielles postérieures à l’événement

La Cour d’appel avait rejeté la demande d’expertise judiciaire et condamné, sur le fondement du rapport d’expertise amiable, le praticien à indemniser les demandeurs ainsi que la caisse, au titre d’une perte de chance, subie par l’enfant à hauteur de 70 %, de ne présenter aucune séquelle ou de conserver des séquelles moindres.

La Cour d’appel avait écarté les avis médicaux produits par le praticien, en retenant qu’ils se référaient à des recommandations du collège national des gynécologues et obstétriciens français édictées trois mois après la naissance de l’enfant, et n’étaient donc pas pertinentes dès lors que les données acquises de la science doivent s’apprécier à la date de l’événement examiné.

La Cour de cassation casse cependant cet arrêt en énonçant qu’un professionnel de santé est fondé à invoquer le fait qu’il a prodigué des soins qui sont conformes à des recommandations émises postérieurement et qu’il incombe, alors, à des médecins experts judiciaires d’apprécier, notamment au regard de ces recommandations, si les soins litigieux peuvent être considérés comme appropriés.

Cass. 1ère civ., 5 avril 2018, n° 17-15620


Perte de dossier médical : l’ONIAM dispose d’un recours subrogatoire lié à la perte de chance de prouver une faute médicale

Les professionnels de santé et les établissements de santé engagent leur responsabilité en cas de faute, sur le fondement de l’article L. 1142-1, I, alinéa 1er, du code de la santé publique.

Les établissements de santé engagent leur responsabilité en cas de perte d’un dossier médical dont la conservation leur incombe. Une telle perte, qui caractérise un défaut d’organisation et de fonctionnement, place le patient ou ses ayants droit dans l’impossibilité d’accéder aux informations de santé concernant celui-ci et, le cas échéant, d’établir l’existence d’une faute dans sa prise en charge. Celle-ci conduit dès lors à inverser la charge de la preuve et à imposer à l’établissement de santé de démontrer que les soins prodigués ont été appropriés.

Lorsque l’établissement de santé n’a pas rapporté une telle preuve et que se trouve en cause un acte accompli par un praticien exerçant à titre libéral, la faute imputable à cet établissement fait perdre au patient la chance de prouver que la faute du praticien est à l’origine de l’entier dommage corporel subi. Cette perte de chance est souverainement évaluée par les juges.

La Cour de cassation énonce qu’à la suite de l’avis d’une CRCI concluant à la responsabilité d’un établissement de santé, du refus de l’assureur de ce dernier de procéder à une offre d’indemnisation et de la substitution à cet assureur de l’ONIAM, ce dernier se trouve, selon l’article L. 1142-15 du code de la santé publique, subrogé dans les droits de la victime, à concurrence des sommes qu’il lui a versées dans le cadre d’une transaction, contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur. L’ONIAM peut ainsi exercer une action à leur encontre au titre de la responsabilité consécutive à la perte du dossier médical d’un patient et à l’absence de preuve que les soins prodigués à celui-ci ont été appropriés. Le juge détermine alors, sans être lié par l’avis de la commission ni par le contenu de la transaction, si la responsabilité de l’établissement de santé est engagée et, dans l’affirmative, évalue les préjudices consécutifs à la faute commise, afin de fixer le montant des indemnités dues à l’ONIAM.

Dans cette affaire, ayant relevé que la polyclinique avait perdu le dossier médical de la patiente et n’était pas en mesure d’apporter la preuve qu’aucune faute n’avait été commise lors de l’accouchement, la cour d’appel avait retenu, à juste titre, que l’ONIAM était fondé à exercer un recours subrogatoire à l’encontre de cet établissement de santé et de l’assureur. Compte tenu des conditions d’exercice du praticien dont les actes étaient critiqués, la cour d’appel avait justement énoncé que la faute imputable à la polyclinique avait fait perdre à l’intéressée la chance d’obtenir la réparation de son dommage corporel qu’elle a souverainement évaluée à hauteur de 75 % des préjudices en résultant.

Cass. civ. 1ère, 26 sept. 2018, n° 17-20143


Licenciement : une relaxe au pénal pour les mêmes faits rend la rupture abusive

La décision définitive de relaxe dont avait bénéficié la salariée, poursuivie pour vols, était motivée par le fait que les articles en cause, qui étaient les mêmes que ceux visés dans la lettre de licenciement, avaient été retirés de la vente et mis à la poubelle dans l’attente de leur destruction, car impropres à la consommation.

Le licenciement de la salariée, fondé sur les mêmes faits, était alors automatiquement sans cause réelle et sérieuse.

Cass. soc. 6-3-2019 n° 17-24701


Préjudice spécifique de contamination par le virus de l’hépatite C : délimitation du contenu de la réparation par la Cour de cassation

La Cour de cassation énonce que le préjudice spécifique de contamination par le virus de l’hépatite C comprend l’ensemble des préjudices de caractère personnel tant physiques que psychiques résultant du seul fait de la contamination virale, à savoir notamment :

– Les perturbations et craintes éprouvées, toujours latentes, concernant l’espérance de vie ainsi que la crainte des souffrances,
– Le risque de toutes les affections opportunistes consécutives à la découverte de la contamination,
– Les perturbations de la vie sociale, familiale et sexuelle,
– Les souffrances, le préjudice esthétique et le préjudice d’agrément provoqués par les soins et traitements subis pour combattre la contamination ou en réduire les effets.

La Cour en déduit qu’en condamnant les défendeurs à payer à la victime une indemnité au titre des souffrances endurées et une indemnité au titre du préjudice spécifique de contamination incluant les souffrances, la cour d’appel a réparé deux fois les éléments d’un même préjudice.

Cass. 1ère civ., 28 novembre 2018, n° 12-28272


Grenoble : un chirurgien suspendu pour 3 ans, dont 18 mois avec sursis

Le Conseil national de l’ordre des médecins a confirmé, en janvier 2019, la suspension d’un chirurgien orthopédique grenoblois pour une durée de trois ans, dont 18 mois avec sursis. Il lui est aussi demandé de rembourser 35 000 euros à la Caisse d’assurance maladie.

Cette décision fait suite à une plainte initiale déposée en 2016 par l’Assurance maladie de l’Isère portant sur 54 dossiers de patients de ce médecin qui, entre 2013 et 2014, « ont été opérés sans justification médicale, ce qui les a exposés à un risque injustifié », d’après le rapport du Conseil de l’ordre.

Le Conseil de l’ordre précisait notamment dans ses conclusions que « le médecin n’aurait pas respecté une technique opératoire conforme aux recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de santé sur la pertinence de la chirurgie des lombalgies ».

Certains des patients plaignants ont dû subir une amputation et d’autres doivent désormais se déplacer en fauteuil roulant.

D’anciens patients ont déposé plainte auprès du Procureur de la République dans l’espoir que des poursuites pénales soient engagées contre lui.


Rappel de salaire : c’est à l’employeur de démontrer que le salarié refusait de travailler.

 

Une cour d’appel, pour débouter le salarié de sa demande de paiement de rappel de salaire pour une période de 18 mois, avait retenu que le salarié ne démontrait pas qu’il était resté à la disposition de son employeur pendant cette période.

La Cour de cassation énonce cependant que la cour d’appel, pour statuer ainsi, aurait dû constater que l’employeur démontrait que le salarié avait refusé d’exécuter son travail ou ne s’était pas tenu à sa disposition, et a ainsi inversé la charge de la preuve. L’arrêt d’appel est cassé.

Cass. soc. 13-2-2019 n° 17-21176

 


Infection nosocomiale : est seul responsable l’établissement dans lequel a été pratiquée l’intervention.

Le patient victime avait conclu un contrat d’hospitalisation avec un établissement de santé privé.

Cet établissement faisait cependant partie d’un groupement de coopération sanitaire conclu avec un établissement de santé public. L’intervention chirurgicale a été pratiquée par un médecin libéral au sein de l’établissement de santé public, dans lequel le patient avait contracté une infection nosocomiale. Le patient assigna en responsabilité et en indemnisation uniquement le centre hospitalier privé avec lequel il avait conclu le contrat. La cour d’appel a cependant rejeté sa demande.

La Cour de cassation confirme cette décision : même lorsqu’un groupement de coopération sanitaire a été conclu entre deux établissements de santé, seul celui dans lequel les soins ont été réalisés peut être responsable de plein droit des dommages résultant de l’infection nosocomiale. La responsabilité de l’hôpital privé n’était donc pas engagée.

Cass. Civ. 1re, 3 mai 2018, n° 17-13.561


Un chirurgien de l’hôpital de Laon accusé d’erreur médicale

En juillet 2012, une jeune femme décide d’avoir recours à une sleeve gastrectomie, intervention consistant en une ablation partielle de l’estomac.

Opérée, la jeune femme se réveille dans d’atroces souffrances : les sutures ont craqué et après un transfert à l’hôpital parisien de Bichat, elle est de nouveau opérée. Le constat de l’opération est alarmant, son estomac nécrosé lui est retiré.

La victime a décidé de porter plainte contre le chirurgien, qui avait déjà été mis en examen pour trois homicides involontaires et accumule les plaintes, ayant fait une quarantaine de victimes au total.

En attendant un procès pénal attendu d’ici fin 2019, les expertises et contre-expertises s’enchaînent.


Refuser de travailler avec un collègue peut constituer une faute grave

La Cour de cassation énonce que lorsqu’une salariée, postérieurement à un précédent avertissement, avait refusé de travailler avec un collègue de son service qu’elle avait violemment pris à partie à plusieurs reprises, ce comportement constitue une faute grave.

Cass. soc. 6-3-2019 n° 17-24605


Prise d’acte de la rupture : pas besoin de mise en demeure préalable.

Aux termes de l’article 1226 du code civil, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable. La mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat. Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent. Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution.

Par un avis en date du 3 avril 2019, la Cour de cassation est venue précise que les modes de rupture du contrat de travail sont régis par des règles particulières, de sorte que l’article 1226 du code civil ne leur sont pas applicables.

Avis n° 15003 du 3 avril 2019 – Chambre sociale (Demande d’avis n° F 19-70.001)